Il serait sans doute exagéré de prétendre que 2021 est une année à flashbacks mais force est de constater qu’un bon nombre des sorties de l’année dont on arrive au bout, nous conforte dans l’idée qu’à part quelques génies absolus au talent créatif sans égal, on a décidément fait le tour de la question pop/rock. Peu importe de savoir si c’est bien ou mal, tout autant qu’il est inutile de s’apitoyer sur son sort et de s’enfermer dans une grotte avec une poignée de disques essentiels. Car ce constat posé, depuis un certain temps évidemment, n’empêche en rien de se délecter de productions qui, si elles ne changeront strictement rien au cours de l’histoire musicale, se contentent, et ça n’est déjà pas si mal, de procurer l’un de ces petits bonheurs ordinaires, ces petits événements quotidiens qui consistent à découvrir un nouveau disque et laisser les titres qui le composent s’emparer de l’esprit et de l’espace et même, le temps d’un instant suspendu, illuminer le monde environnant.
Daily Events, premier album du duo Meyverlin qui sort une nouvelle fois sous la très belle facture du dynamique label brestois Too Good To Be True est de ces disques qui peineront probablement à faire date, mais qui emballent malgré tout leur auditoire en deux temps trois mouvements. C’est qu’au rayon savoir-faire, le duo qui s’avère être plutôt un trio n’a rien de novices, jugez-plutôt. Thierry Haliniak plus connu pour ses sorties sous le nom de My Raining Star et son acolyte Gilles Ramey, auteur de toutes les paroles, se sont joints pour former Meyverlin au vétéran pop Philippe Lavergne, membre d’une infinité de projets depuis le tout début des années 1990 quand, avec Les Freluquets, il sortait sur Rosebud l’un des albums précurseurs de la pop ligne claire en français, La Débauche.
Vu le pedigree des protagonistes, on ne s’avancera pas trop en évoquant une pop ligne claire des plus classiques, empreinte de tout un tas de références de bons, d’excellents goûts ! Comme souvent, l’axe du bien relie la west coast californienne au nord-ouest britannique illuminé comme une autoroute la nuit par des guitares particulièrement étincelantes, des basses bien rondes, des nappes de claviers planantes et des dédoublements de voix. On retrouve chez Meyverlin toutes les qualités mais aussi les petits défauts qui faisaient l’un dans l’autre le charme de ces productions françaises des années 1990 qui cherchaient à tout prix à sonner « outre », Manche ou Atlantique dans l’espoir secret d’approcher leurs idoles, qu’elles se nomment Edwyn Collins ou Michael Head, voire de décrocher une première partie ou un entrefilet plein d’exotisme dans le NME à la faveur de cet accent so frenchy dont on dit parfois que les anglaises raffolent.
Si Daily Events ne parvient pas à convaincre complétement, c’est souvent à cause de ces petits défauts qui font justement la différence entre le disque qui fera date et celui qui passera sans véritablement marquer son sillon. Ce sont des chansons un peu moins lumineuses comme Thespian qui se pare d’atours plus rock parfois à la limite du stéréotype britpop ou Colourblind qui ne sait pas trop s’il doit décoller ou se contenter de son mid-tempo avant de finir malgré tout par s’essouffler mollement sans jamais avoir véritablement couru. On regrettera aussi une trop grande linéarité sur la longueur, un manque de variations préjudiciables à l’ensemble : le disque passe sans véritable accroche, sans parvenir à faire émerger la cohérence d’une histoire mené du début à sa fin alors que, prises une par une, les chansons de Meyverlin dégagent pourtant (presque) toutes une vraie sensibilité, se fredonnent aisément et vous transportent le temps des 3 ou 4 minutes réglementaires dans un univers plutôt chaleureux et accueillant.
C’est notamment le cas de quelques belles réussites comme le plus américain Dying Love sur lequel rayonne un chaud soleil californien et un refrain en deux temps particulièrement accrocheur et réussi. Shades, un des singles ayant annoncé l’album ne manque que d’un peu plus de relief pour devenir un véritable tube mais se défend très bien avec sa pétarade de boite à rythme qui relève une fin de morceau plutôt réussie. Plus loin, l’ultra classique Unfaithful et son rythme soutenu à la Housemartins en deviendrait presque carrément jubilatoire sans ce break un peu raté qui peine à relancer la dynamique d’un morceau pourtant bien enlevé. Enfin, comme le veut la sagesse populaire immanquablement adoptée par la pop musique qui veut le meilleur se garde toujours pour la fin, Months en conclusion nous refait le coup de la chanson mélancolique mid-tempo et nous sort la trompette qui, il faut bien l’avouer, fonctionne à tous les coups quand il s’agit de frissonner une bonne fois pour toute.
Daily Events est un premier disque qui trouvera à coup sûr son public, constitué d’inconditionnels d’un genre indémodable qui lui reconnaitront, c’est une évidence, de réelles qualités malgré des défauts qui se pardonnent sans peine, rien de rédhibitoire non plus. Mais au bout du compte, on ne peut s’empêcher de se demander ce que l’un ou l’autre de ces titres auraient pu donner en français, langue qui on le sait, fonctionne parfaitement sur ces thèmes légers et aériens comme le prouve récemment le très bon Fandor à l’univers très similaire, Aline ou même Chelsea s’il faut remonter jusqu’aux origines de cette musique en France. Vieux débat des tenants de l’arrière-garde de l’exception culturelle, possiblement, mais nombreux sont ceux qui ont franchi le pas en regrettant de ne pas l’avoir fait plus tôt.