Fandor / En Quatrième Vitesse
[Nemo Records / Electric Romeo]

8.3 Note de l'auteur
8.3

Fandor - En Quatrième VitesseQu’a donc en tête ce jeune Fandor qui pose dans un photomaton de la gare de Saintes en cette fin des années 80 ? Peut-être se demande-t-il ce que celui de 2021 pourrait bien lui dire. Sans doute que la vie a tendance à passer En Quatrième Vitesse et qu’il n’y a pas vraiment de temps à perdre. On le sait, musarder n’aura depuis lors pas vraiment été le style de Laurent Barnaud, le bordelais qui se cache sous le masque de Jean Marais, pas avare en trois décennies de sorties sous diverses appellations et d’un paquet de concerts, le tout dans le plus pur style DIY et amateur qui sied parfaitement à cette pop décomplexée ; à l’âge où d’autres se contentent du jardin, se remettent au sport ou découvrent la philatélie, lui continue inlassablement de composer, répéter, jouer. Mais le constat fait lors de la sortie de Chewing Gum en 2020 ne fait que s’accentuer : après avoir patienté toute sa vie, titre de son 3ème album solo en 2018, le voici comme décidé le cap de la cinquantaine passé, à tout faire En Quatrième Vitesse donc, en tout cas en ce qui concerne la composition et l’éditions de disques. Publié sur son propre label Nemo records pour la version CD et les allemands d’Electric Romeo pour le digital et le streaming, ce nouvel album qui arrive si vite après le précédent, donc, ne déroge à aucune des règles ancestrales que Fandor a depuis toujours décidé de se fixer.

Pas question ici de révolutionner la musique. On est dans le domaine d’une pop qui n’a pas d’autre prétention que de procurer du plaisir, de composition, d’écriture, de jeu et d’écoute auprès d’un public fidèle, acquis à la cause, mais qui de temps en temps parvient aussi à se renouveler. Les chansons de Fandor, courtes et sobres, assument avec bonheur des influences de choix, entre la ligne claire tendance Smiths / Sarah Records, la mélancolie Cure-esque parfois traversée d’éclairs noisy à la Jesus & Mary Chain et puis ce chant en français, choix logique pour ce fan invétéré de Daho, est idéal pour ces saynètes dont Fandor est friand. Comme un écho à cette pochette, il aborde à plusieurs reprises dans ce nouveau disque des thèmes liés à l’enfance et au temps qui passe, forcément. Evoqués de façon universelle, les textes de Fandor en deviennent forcément touchant quand bien même ils seraient parfois enrobés d’un soupçon de naïveté, ce qui n’a somme toute jamais vraiment été choquant quand on évoque cette pop dite « indé ».

Les disques s’enchainant, autour de thèmes et de styles proches, difficile de mettre en évidence une réelle évolution de l’approche de Fandor depuis Chewing Gum l’an passé. Pourtant, il se dégage de ce nouveau disque comme une plus-value apportée par quelques éléments à peine perceptibles mais qui, dans le détail, contrastent sensiblement avec le disque précédent. C’est par exemple l’usage d’une batterie plutôt efficace sur un bon nombre de morceaux, remplaçant avantageusement une boite à rythme qui pouvait précédemment un peu pénaliser certains titres. C’est une voix plus assurée, faisant véritablement corps avec le propos et l’écrin musical composé et enregistré comme souvent de façon assez artisanale et solitaire, avec l’aide ponctuelle de comparses fidèles comme le designer et claviériste Philippe Roure ou le multi-instrumentiste Cecil Dijoux, également responsable du mastering sur ce disque. Comme si l’expérience de Fandor et de ses fidèles acolytes, ces habitudes de jeu en commun qui créent une véritable complicité amicale et artistique parfois vieille de nombreuses années finissait par faire de Fandor un groupe plus qu’un seul pseudonyme. Enfin, c’est sans doute le choix d’un format plus resserré avec 12 titres plutôt percutants et concis qui rend l’ensemble particulièrement dynamique.

De fait, En Quatrième Vitesse d’avère être à longueur d’écoutes le disque le plus cohérent et abouti de Fandor. En milieu de disque, les titres qui semblaient à première écoute un peu plus faibles révèlent tranquillement leurs secrets. C’est Un Soleil Affligeant (drôle de titre) dont les doux arpèges et les chœurs fantomatiques finissent par émerger d’une chappe de distorsion finalement plutôt jouissive. Ce sont encore Une Journée Sans Importance ou Dans La Vallée Retrouvée qui sortent petit à petit de la brume, là par la grâce d’un refrain particulièrement accrocheur, ici par une petite trouvaille mélodique pas immédiatement perçue.

Mais la force de ce disque se trouve dans l’accumulation de nombreux titres particulièrement convaincants et qui propulsent Fandor dans une autre dimension. Dès sa sortie, le single Plus Rien A Craindre qui ouvre le disque laissait bel et bien entendre que cette mue était en train de s’opérer et de fait, il est véritablement la tête de gondole de l’album et montre la voie à d’autres morceaux tout aussi réussis et entêtants jusqu’au bout et un Vers L’Ouest au mid-tempo lourd comme un dôme de chaleur au-dessus de l’Arizona de Calexico qui conclut le disque sur un ton moins badin et plus fiévreux qu’on aurait pour le coup adoré voir s’étirer un peu plus longtemps. Avec Une Autre Vie Tant Pis, on imagine un Fandor juvénile et bien introduit dans les milieux influents qui s’ébahiraient devant une telle facilité mélodique et ce refrain irrésistible amené de fort belle manière, de quoi en faire la next big thing à suivre. L’Enfer Ou Le Paradis avec sa double basse prend d’abord le chemin des chansons un peu passe-partout avant de se retrouver sublimée par un impeccable break suivi d’un magnifique pont digne du meilleur Teenage Fanclub, influence suffisamment rare de ce côté-ci de la Manche pour être soulignée. En Quatrième Vitesse est de ces morceaux schizophrènes sur lesquels, pour regretter un peu que tout aille trop vite, Fandor ne trouve rien de mieux que de livrer une bombinette ultra sautillante et efficace qui s’achève dans un bref maelström noisy. Enfin, malgré la grande qualité de l’ensemble, comment ne pas voir en Pierre Blanche le summum de cet album. Portant un joli texte mélancolique sur les premières amours adolescentes, la mélodie s’envole au son de nombreuses guitares qui n’en finissent plus de se superposer, d’étinceler, d’exploser pour en faire ce qui, dans un monde idéal, deviendrait un classique du genre aux côtés d’un Field Mice jadis ou d’un Luxembourg Signal aujourd’hui.

Oui, la vie passe bien En Quatrième Vitesse. Constat accablant autant que poncif, il incite Fandor à ne rien regretter en gardant pour lui tous ces textes et titres qu’il porte en lui. Alors puisqu’il faut que ça sorte, il les sort et jamais à l’abri d’une excellente surprise, publie aujourd’hui un album particulièrement réussi et cohérent qui aura cependant et malheureusement sans doute du mal à sortir des sentiers qu’il a lui-même contribué à baliser ; question de timing, probablement. Restera alors pour quelques fidèles et une poignée d’oreilles curieuses le sentiment d’avoir accompagné Fandor dans ce que la petite histoire de la musique pop, truffée de ces grands disques de petits groupes, finira peut-être par retenir comme un beau disque passé trop inaperçu malgré toutes ses qualités et sa grande sincérité.

Tracklist
01. Plus Rien A Craindre
02. Un Vrai Western Dans Mon Jardin
03. Dans La Vallée Perdue
04. Pierre Blanche
05. Une Autre Vie Tant Pis
06. Un Soleil Affligeant
07. Une Journée Sans Importance
08. Dans La Vallée Retrouvée
09. L’Enfer Ou Le Paradis
10. Nos Visages Apaisés
11. En Quatrième Vitesse
12. Vers L’Ouest
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