Looking For Space est de ces albums qu’on a l’impression d’avoir déjà entendu dès la première écoute. Chacune des onze chansons fait penser à une autre. C’est un syndrome dont il faut toujours se méfier, car si cela signifie que ces chansons flattent l’oreille, elles peuvent paraitre banales. Et inversement.
Mais à moins d’avoir fait un trip l’été dernier en Nouvelle-Zélande pour apprendre à tondre des moutons, il y a pourtant peu de chances que vous ayez déjà entendu le troisième album de Mild Orange. Même si aux dires de ceux qui sont mandatés pour porter la bonne parole par chez nous, le quatuor jouirait déjà d’une belle audience, bien au-delà de sa lointaine île natale désormais placée à portée de clics. On veut bien le croire, tant le groupe se joue des standards pop avec l’aisance et la simplicité que la jeunesse leur permet.
Sous ces atours d’album de vieux briscards, Looking For Space profite avec quelques mois de retard d’une sortie européenne avec l’appui de la puissante structure AWAL (Girl In Red, Jungle, Gus Dapperton, etc.) toujours prompte à soutenir les artistes avides d’autonomie, pour peu qu’ils aient des choses à défendre et des convictions.
Tout d’abord, l’auteur-producteur-chanteur-guitariste Josh Mehrtens qui a trouvé trois copains en guise de parfait backing-band déploie tout son spleen dans un registre proche de Young Man, le projet solo de Colin Caulfield embarqué chez DIIV – à qui on pense aussi par ailleurs. Les mains glissent sur le manche de la six-cordes avec l’agilité d’un lémurien passant de branche en branche, la section rythmique fanfaronne, mais contrairement à leurs sémillant voisins Rolling Blackouts Coastal Fever, le regard se perd assez vite dans le vide. S’ils ont choisi leur patronyme parce que l’orange évoque l’optimisme et aurait des vertus de galvanisation et qu’ils ont enregistré dans des lieux idylliques, il n’empêche que ces pièces d’indie-rock laissent poindre le vague à l’âme d’une génération qui s’interroge. On aperçoit clairement la fêlure sur les détours psychédéliques de What’s Your Fire? entre la ferveur du chant et le riff de guitare tendu. Après cela, le groupe fait une pertinente révérence à Talking Heads (Aurora) avant de lâcher Hollywood Dreams, périlleux exercice middle-road (on a vu The War On Drugs s’y perde) puis sur Music., il fait tout au contraire preuve de la même liberté que The Sea & Cake – de fait, c’est le moment jouissif de la fin de l’album.
Déjà entendu ? Oui, certes peut-être, et alors ? Si après la découverte de Mild Orange, on a effectivement (res)sorti plein de disques d’autres artistes pour s’y replonger avec délice, c’est que l’invitation au voyage était engageante. Et les cartes postales mettent du temps à nous parvenir lorsqu’elles sont postées depuis Aotearoa.