Playlist pour Tueurs solitaires et Serial Killers : des Smiths à Eliott Smith

The Killer - David Fincher

Présenté à la Mostra de Venise le 3 septembre, le nouveau film de David Fincher (qu’on a pas vu) met en scène un tueur à gages qui se retourne contre ses clients et va les aligner un par un (ou en groupe) pendant toute la durée du film. Sorte de Samouraï 2.0 (à l’ère Netflix…) Michael Fassbinder qui incarne ce héros peu loquace et qui croisera la route de Tilda Swinton en chemin, fait du yoga (pour se détendre) et écoute à haute dose les Smiths (pour se mettre en condition). On trouvera ainsi dans la BO officielle I Know It’s Over, Bigmouth Strikes Again, et How Soon Is Now ?, chansons ajoutées en post-production par le réalisateur pour « étoffer » le profil de son protagoniste.

L’occasion de s’offrir une playlist sélective et débile pour tuer son voisin, perpétrer un meurtre de masse ou simplement s’engager dans une carrière de tueur en série. On a volontairement limité notre liste à une vingtaine de morceaux emblématiques tant le patrimoine musical est riche en chansons portant sur des tueurs ou des événements tragiques, faits divers et autres personnages horribles.

1. The FallHip Priest (BO du Silence des Agneaux)

David Fincher oblige, on commence par une chanson qui n’est paradoxalement pas associée à un meurtre, ni tout à fait à un tueur mais qui renvoie néanmoins à l’une des scènes les plus flippantes du film de serial killer par excellence : le Silence des Agneaux. Quand l’agent Clarice Starling rentre en solitaire dans la maison du tueur Buffalo Bill alors que tous ses collègues se plantent de bâtiment et se lance à la recherche de la jeune fille disparue : c’est au Hip Priest de Mark E. Smith qu’elle a affaire dans l’une des scènes les plus angoissantes du cinéma de tueur. Incontournable. L’original de The Fall parle plutôt de critique rock et lorgne du côté de la figure tutélaire de William Burroughs.

2.  Sufjan Stevens John Wayne Gacy Jr

On peut faire le portrait d’un personnage horrible comme le Clown Tueur aux 33 victimes reconnues (27 dans la chanson) et néanmoins s’en tenir à son projet artistique d’une pop mélodique et légère comme l’air. C’est le choix de Sufjan Stevens sur ce portrait de John Wayne Gacy, tueur qui amusait les gamins déguisé en clown dans les hôpitaux. Le portrait est scolaire et appliqué. Il fonctionne comme une mini-biographie. Le plus glaçant tient toutefois dans le final où le narrateur avoue sa proximité avec le monstre :

And in my best behaviorI am really just like himLook beneath the floor boardsFor the secrets I have hid

3. Screaming Lord SutchJack The Ripper (1963)

La chanson est née deux ans avant mais c’est en 1963 que le merveilleux Screaming Lord Sutch, un artiste à redécouvrir et sur lequel on aura l’occasion de revenir, popularise la meilleure version avec une production signée Joe Meek. Le lancement du single s’accompagne d’une paradde morbide dans Londres pendant laquelle le chanteur s’extirpe d’un cercueil monté sur une remorque et entonne sa chanson tandis que des enceintes crachottent l’accompagnement musical. Burlesque, vous avez dit burlesque. Le personnage de l’Eventreur inspirera par la suite des dizaines de chansons souvent excellentes, notamment sous la plume de Nick Cave et de Morrissey qu’on retrouvera par la suite.

4. Nick CaveStagger Lee

Nick Cave a consacré un disque entier, Murder Ballads, aux chansons de tueurs. Stagger Lee est l’une des meilleures même si pas la plus impressionnante si on s’en tient au pedigree du protagoniste. Stagger Lee se nomme en fait Lee Shelton, c’est un type (noir) qui tue son ami, en 1895, suite à une banale dispute (politique) entre ivrognes. Il fut condamné, purgea quelques années de prison avant d’être gracié puis de rechuter après avoir tué le propriétaire d’une maison qu’il cambriolait. Nick Cave reprend l’histoire (qui a été chantée pour la première fois un an à peine après le meurtre historique) et en fait un grand conte épique de plus d’une dizaine de minutes.

5. The RZASamurai Showdown

Ghost Dog, le film de Jim Jarmush, est probablement le film de tueur le plus classe et réussi depuis le Samouraï de Jean-Pierre Melville. Forrest Whitaker en tueur samouraï quasi muet et colombophile est évidemment parfait tandis que le RZA, leader du Wu Tang Clan, signe pour ce superbe portrait en noir et blanc une BO cultissime et tout bonnement exceptionnel qui martèle et scande chaque pas et mouvement de grâce du tueur à capuches. C’est lyrique, puissant, martial et d’une poésie infinie. L’un des albums de rap (majoritairement instrumental) les plus importants de l’histoire.

6. François de Roubaix – Le Samouraï

La particularité de la BO de François de Roubaix pour le film de JP Melville avec Alain Delon, c’est qu’elle dure à peine plus d’un quart d’heure. La musique comprend à parts égales des parties cabaret qui illustrent les plongées dans le monde de la nuit du film, tandis que les parties les plus intéressantes sont celles qui accompagnent avec un sens de l’économie rare les mouvements d’un Alain Delon en lévitation, dans son appartement ou dans ses déplacements. L’instrumentation est classique avec des ambiances jazzy magnifiques.

7. The AuteursBack With The Killer Again

The Auteurs, le groupe de Luke Haines, ont consacré un album entier aux histoires de meurtres, After Murder Park, dont on est pas loin de penser qu’il est aussi bon que New Wave leur plus connu et premier disque. Sur Back With The Killer Again, Luke Haines entretient l’ambiguïté d’une fusion entre l’artiste et l’assassin. Ce titre est l’un des plus rock du disque sur lequel on trouve d’éternelles pépites comme The Dead Sea Navigators ou Unsolved Child Murder.

8. Jonathan KingThe True Story of Harold Shipman

L’histoire d’Harold Shipman est adaptée ici en une chanson humoristique et caustique. Pour rappel, Shipman est le serial killer le plus saignant d’Angleterre, un toubib condamné pour 15 meurtres mais à qui on pourrait en attribuer 200. Shipman utilisait sa position de médecin pour assassiner de vieilles personnes et des patients en tous genres, pour les voler ou pas, en leur injectant de la morphine à haute dose et en signant ensuite le certificat de décès. L’homme s’est suicidé en prison en 2004.

9. The SmithsSuffer Little Children

Un classique du genre et l’une des premières collaborations entre Morrissey et Marr, qui évoque avec délicatesse et intelligence, les Moor Murderers, criminels qui tuèrent cinq enfants (la chanson en mentionne 3 car les 2 autres meurtres furent attribués plus tard) autour des figures sinistres de Mira Hindley et de Ian Brady. Le single, sorti en 1984, déclencha l’une des premières polémiques autour de The Smiths, sur un fait divers hautement traumatique à Manchester et en Angleterre.

10. Jane’s AddictionTed, Just Admit It…

Ted Bundy a grillé sur la chaise électrique en 1989. Son parcours meurtrier a inspiré des films, des documentaires et des chansons. La plus réussie est peut-être cette chanson de Jane’s Addiction sortie en 1988 sur l’album Nothing’s Shocking. Le mixage intègre un sample de la voix de Bundy, déniant ce qu’on lui reproche. On retient le mantra clé :

Sex is violentSex is violentSex is violentSex is violentSex is violentSex is violentSex is violent!

11. Violent FemmesDahmer Is Dead

Un beau titre fringant et jouissif qui se délecte de la nouvelle de la mort du célèbre Jeffrey Dahmer.

Dahmer is dead.Am I supposed to feel outrage?Am I supposed to feel sorrow?Jeffery Dahmer has no right tommorrow.Dahmer is DeadDahmer is Dead

Les Violent Femmes ont toujours été à l’aise dans ce registre mi-punk mi-comique particulièrement en phase avec la voix nasillarde de leur chanteur, leader et compositeur en chef Gordon Gano.

12. Siouxsie and the BansheesNight Shift

Chanson culte qui évoque la figure de l’Eventreur du Yorkshire, Peter Sutcliffe, Night Shift est aussi l’une des chansons les plus connues de Siouxsie and The Banshees. Sutcliffe était comme Jack l’Eventreur un tueur de prostituée qui sévit sur la seconde moitié des années 70. La chanson est notamment originale parce que la chanteuse adopte le point de vue du tueur nécrophile et fait frisonner à chaque écoute.

13. Talking HeadsPsychokiller

Là encore, un vrai classique sur lequel on renverra à notre développement savant dans la série des chansons cultes. Psycho-killer est peut-être le premier morceau qui contribua à ériger la figure du tueur en figure pop.

14. SuicideFrankie Teardrop

Celle-ci est plus brutale évidemment. Là encore, on renverra à un article précédent qui évoque la figure du tueur chez Suicide, prolétaire et furieux.

15. Ill BillThe Anatomy of A School Shooting

Sur l’album What’s Wrong With Bill ?, cette chanson est une petite merveille narrative qui revient sur le massacre de Columbine perpétré par Eric Harris et Dylan Klebold en 1999. La production est assurée par le frère du rappeur, le célèbre Necro.

16. Nick CaveRed Right Hand

Difficile de ne pas bisser Nick Cave avec ce Red Right Hand qui est utilisé en série par tous les réalisateurs de la planète pour accompagner des scènes de meurtre ou de films d’horreur. Red Right Hand est devenu le thème signature de la série des Scream, initiée par Wes Craven, qui l’utilisa pour son premier opus. Le single figure sur ce que d’aucuns tiennent pour le dernier grand album classique de Nick Cave, Let Love In en 1994.

17. Elliott SmithSon of Sam

C’est évidemment un piège et une chanson hors sujet puisque contrairement aux apparences, le titre Son of Sam de Elliott Smith n’a pas grand chose à voir avec le parcours meurtrier de David Berkowitz, le serial killer qui porte aussi ce surnom et qui tua à la carabine une bonne demie douzaine de personnes en 1977.

La chanson d’Elliott Smith est le dernier single tiré de l’album Figure 8. Les paroles assez obscures renvoient à un rêve dans lequel le protagoniste est visité par un certain nombre de figures maléfiques ou sinistres. Le Son of Sam est simplement mentionné à côté de la déesse Shiva mais sans que cela soit porteur d’un sens univoque. Pour dire la vérité, on n’a jamais rien compris à cette chanson !

18. The Rolling StonesMidnight Rambler

La chanson aurait été inspirée à Keith Richards et Mick Jagger par le parcours d’Albert DeSalvo l’étrangleur de Boston. L’homme a tué 13 femmes, le plus souvent en se faisant passer pour un réparateur ou un mesureur (leur promettant une carrière de mannequin). Le titre des Stones a été composé lors d’un séjour au soleil en Italie. Il figure sur l’album Let It Bleed. C’est une chanson qui reste sur scène un rendez-vous immanquable pour les fans et que le groupe étire souvent au delà des dix minutes, tandis que Jagger rampe au sol.

19. The Louvin BrothersKnoxville Girl

Il ne faut pas oublier que l’essence même de ces titres est pour la plupart du temps de renvoyer à des meurtres de femmes ou féminicides. Il faudra un jour qu’on s’interroge sur cette fascination relayée par le pop music. C’est ici le cas pour ce très bon morceau des Frères Louvin, duo dual de la country US dont il faudra un jour qu’on raconte la passionnante odyssée (un frère alcoolo pervers et un autre catho moraliste qui se dispute et invente une musique moderne), qui sur leur disque phare Tragic Songs of Life, chantent la mort de cette Knoxville Girl qui rencontre son tueur et s’entiche (bien qu’on en soit pas très sûr) du mauvais type au mauvais moment. C’est moche et cela se répète sans fin.

20. MorrisseyBonfire of Teenagers

On boucle la boucle avec ce titre pour le moment inédit de Morrissey, Bonfire of Teenagers, qui évoque les attentats terroristes de Manchester en 2017, perpétrés par Salman Abedi, lequel se fit exploser à la sortie du concert d’Ariana Grande. La chanson de Morrissey décrit la joie d’une des victimes au moment de se rendre au concert et pose la question de la justice et du sort réservé au tueur. Faut-il pardonner ? Faut-il tendre l’autre joue ? La réponse du chanteur est claire : il repousse le Don’t look back in anger collectif pour lyncher vocalement le terroriste et promet de ne jamais pardonner.

La bande-annonce de The Killer.

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