Est-ce que le meilleur groupe de surf américain ne serait pas français ? C’est véritablement la question qui nous traverse tout du long. On ne comprend toujours pas comment il est possible que ce groupe puisse être originaire d’une ville comme… Lyon ! Ponta Preta n’a même pas trois ans de vie qu’il semble déjà avoir compris les ficelles les mieux gardées du surf et du garage rock. Après nous avoir encouragé à faire tomber le paréo à l’époque de Tits Up (2021), le groupe de trentenaires nous enjoint à la reconquête de notre été (et de nos printemps) perdu(s) avec Way Out West!, seconde itération. Cela ne se refuse pas.
La mer soufflera trois fois
Ô saintes guitares éternelles, incarnant si bien les imperturbables, mutiques Rocheuses ! Par leur musique, les montagnes lyonnaises s’émiettent en sable, et les eaux montent, transformant la ville en station balnéaire. Les lyonnais semblent, comme The Mystic Braves des débuts, parfaitement incarner, par leur excès et enthousiasme, le charme de cette musique désuète, bien plus encore que les américaines de La Luz, plus lasses dans leur approche. Car encore à l’écoute de cet album, nous retrouvons une pureté dans la production et la masterisation, une compréhension épurée permettant à la fois vulgarisation et sublimation, contrairement à beaucoup d’autres les considérant comme acquis la culture de ces genres chez l’auditeur, comme Allah-Las, à l’approche volontairement plus rustique et terne. On ira pas jusqu’à penser que cette musique attendra le Top 50 avec Ponta Preta, mais le groupe fait tout pour la rendre intuitive à son public, proprette sur elle (le logo, les clips, la bogossitude, les pochettes d’albums abondent dans ce sens) et accessible, sans pour autant piétiner leur passion. Il y a décidément du cool dans l’air, alors on se love sur la plage, regardant les vaguelettes laper le sable et autres gambettes.
Leur écoute suffit à exploser votre journée morne de couleurs. Tout comme avec la synthpop n’en finissant plus d’étirer la décennie 80, les années 60 se trouvent ici plus vraies que réelles, maximalisées par la technologie et la connaissance intime des genres. Le sable est là, et pourtant, le son est clair, chatoyant. Liquor Liquor, dont on avait touché quelques mots, fait l’effet d’une lampée d’hydromel dans nos portugaises ensablées. Fait assez rare dans les albums de garage rock : les titres arrivent aisément à se dissocier, échappant au symptôme récurrent de la répétitivité dont pouvait souffrir, par exemple, les excellents (et également français!) mais plus rêches Captain Rico & The Ghost Band.
Bieng Sûr !
Si Tits Up était prédominé par le surf, le Way Out West! se veut plus psychédélique. On conduit son canasson à moteur comme dans un décor de cinéma, suivant les pylônes pour arriver à bon port. I’d Like to Know fait descendre des guitares en rafale. C’est tout comme si on était dans les livres de Jack Kerouac, mais un Kerouac uniquement heureux dans l’aventure. Dans les méandres de sables, gît la promesse de filles et de cavalcades. Quelque part, on nous tendra la perle, et on s’émiette en vapeur de bonheur. Way Out West est un hymne enjoué à l’aventure humaine, au grand périple vital, celui des moustaches et des santiags. On s’était pas vu communiqué autant d’enthousiasme depuis The Murlocs. L’arme fatale de Ponta Preta – et on vient de le comprendre – c’est la joie.
La force d’un groupe comme Ponta Preta, marquant encore la différence avec un groupe plus typique et contemporain, c’est aussi sa tripotée de voix, instruments humains souvent délaissés par les autres. Sur l’irrésistible et léché Fez Manchetes, on apprécie les chœurs unitonaux, débordant d’encouragements masculins. Les morceaux sont remplis de petits motifs ludiques (exhalations, bruits d’insectes, sonorités ovniesques so 60’s, etc.) dynamitant l’écoute. Déjouant toute facilité en appuyant la carte de la diversité comme King Gizzard & The Lizard Wizard, Yojimbo, par exemple, nous offre une belle plage instrumentale et ensablée. C’est à vous donner des envies de soiffards, celle de trouver un saloon dans un désert espagnol, de s’assoir en bon cow-boy des autoroutes, et d’étendre ad infinitum le plaisir de la Première gorgée de bière chère à Philippe Delerm. L’effet surprise de la découverte du groupe n’est plus (à quand un album plus électronique, comme le dernier de The Mystic Braves, Pacific Afterglow?), mais le voyage est beau, et Pardon Me, morceau country et acoustique, nous punaise à notre rocking chair, dans l’attente de la prochaine ration. C’est simple : si tous les français se versaient un album de Ponta Preta avec les céréales, les psys n’existeraient plus!
02. Fez Manchetes
03. Liquor Liquor
04. Real Countdown
05. I’ve Been Lonely
06. Shakedown
07. Yojimbo
08. I’d Like to Know
09. Pardon Me