L‘été aura été fidèle à l’année, de bout en bout. On récolte la météo que l’on mérite. Mais en écoutant le premier album de Ponta Preta, nous comprenons mieux le climat : ce sont eux qui nous ont dérobé le soleil de nos vacances!
Ponta Preta est une partie de l’île de Sontiago, au large de l’archipel du Cap Vert. Le genre d’endroit exotique dans lequel tout aventurier respectable rêverait de vivre. C’est également un tout jeune groupe de rock lyonnais ayant pour fondamentaux dans la vie 4 éléments vitaux : le surf, les voyages, la musique et les fratés. Récompensés du Ninkasi Music Lab, médaille régionale, pour un premier EP ayant fait son petit effet en 2019, les garçons ont décidé de sortir un album chez Le Surf Records (une structure que l’on devine montée par eux) dédié aux filles, aux routes du Sud et au bronzage. Une occasion idoine pour écouter les vacances qu’on a loupées cette fois encore !
Le surf, c’est la source
Les chants soufflent la bise. Les guitares grillent aux soleils. Tits Up est un hymne au dégrafage de brassières, une ode au tomber de maillot. I Wanna Know est le gros morceau de l’album par quoi tout commence. Structurée en deux parties distinctes galopant l’une sur l’autre, la première fait monter la gomme avec sa guitare grave californienne pour mieux préparer le terrain aux chœurs masculins, dont la mélodie est imparable. Allah-Las, sortez de ces guitares! C’est ce genre de morceau qui vous donne envie d’érafler l’asphalte, direction l’horizon, la mer et les blondes inconnues en vue. Le groupe connait ses classiques sur les doigts et a relu le petit illustré de surf rock. S’ils étaient nés à l’époque des Beach Boys, il va sans dire que ce morceau aurait été un classique instantané. Nous n’aurions jamais deviné que derrière ces morceaux se trouvent cinq jeunes lyonnais dont les parents devaient être en culottes courtes quand les classiques sur lesquels ils s’appuient étaient diffusés. You & I s’ouvre comme un début d’opéra rock, sur un You prononcé, faisant un appel du pied au Who Are You des The Who, pour ensuite mieux se fondre dans un rock posé, à la cool, les jambes ensablées. Puis on est largué en deltaplane : les séquences s’enchaînent entre guitares, synthés et chœurs, comme la houle fait ses va-et-vient. Il y a plusieurs musiques dans cette chanson! La grammaire musicale y est parfaite.
On en profite pour faire passer le message suivant aux stations radio : passer plus de surf rock ! Les français savent comment s’y prendre. Nous avions salué le très bon The Forgotten Memories of the Beaches de Captain Rico & The Ghost Band. Alors que la surf des toulousains étaient plus appropriée à ces vieux diners délabrés du fin fond de l’Arizona et aux Harley Davidson parfumées au pétrole, celui des Ponta Preta est plus océanique, et peut même habiller votre traversée de Tabernas, non loin des côtes ibériques. Ce que peut faire du bon surf rock sur un corps humain est assez étonnant. Prenez par exemple le merveilleux Scusi Frate, sûrement le meilleur titre. Ça y est : au bruit de la réverbe d’une guitare électrique pleine de fougue, et le sourire revient ; votre peau commence à se hâler délicatement ; vos muscles, à regonfler. Vous marchez le poitrail gonflé par la foi, devenez aussi beau que les acteurs solaires de ces road movies. C’est la musique de ces gars qui prennent la route, voguant d’aventures en filles, d’îles en montagnes. Elle vous jette un voile nous sublimant de classe. On reprend une dosette d’espoir. Make surf great again!
Point Soleil
Sur ces dix plages de l’album, il existe une diversité de paysages inattendue. Pourtant, la surf music et le rock psychédélique ne sont pas les genres offrant le plus de diversité dans leurs perspectives musicales. Ils déjouent cela aisément. Lost In The Mountains est aussi trépidant qu’une randonnée entre copains, à dévaler les vals et forêts en vélo, les emmerdes qui vont avec. Alors que Circus Smile nous transporte sur le littoral brésilien, avec ses maracas se secouant sur un rythme imprégné de bossa nova, son tambour et sa guitare déjà un peu nostalgiques des folies passées, la fin des vacances s’approchant à grands pas. Le très beau From Baya With Love, contrairement à ce que sous-tend son titre, nous téléporte sur la Route 66. C’est peut-être dans leurs morceaux uniquement instrumentaux que les Ponta Preta sont à leur meilleur. Les paroles importent moins que la musicalité de celles-ci, même si elles sont fidèles aux standards du genre, heureuses et frivoles. Les guitares sont sèches comme la rocaille et invoquent un Colorado mythique et minéral, tout autant que les stations services lunaires cuisant sous la soleil d’Espagne, les western spaghettis et séries B américaines tout comme ces cowboys à moto fusant le désert.
Les histoires contées par la musique de ponta Preta sont un peu les mêmes que celles de Françoise Hardy dans Le temps de l’amour. Nous attendons le Quentin Tarantino ou le Robert Rodriguez français qui saura piocher dans cette album pour conférer une bonne ration de cool à son film. D’ailleurs, connaissant le goût des deux originaux pour les morceaux rétro et les guitares qui hurlent dans le désert, ils pourraient vite (tout comme d’autres) s’y intéresser, à ce quintet n’en étant qu’à ses débuts, le hasard faisant. In The Wind, tout en gradations, vous donne envie de faire des brasses avec la grâce de ces gars nés sur une planche, accompagnés de garçons et filles vêtus de peu d’étoffes et de bracelets de fleurs, enfants du soleil. Someday nous donne envie de farnienter, soit « ne rien foutre », pour mieux se laisser voguer sur un bouée dans un ciel sur lequel la mer se reflèterait, absorbée par le soleil. Si vous êtes arrêté sur une aire de repos, vous vous adosserez au son de Morning Tuesday sur le capot de votre Jaguar Type E décapotable (ou de votre Renault cabriolet, selon votre budget) pour mieux vous désaltérer avec une bouteille de Coca en verre, le regard rivé vers le mirage d’une jolie pépée.
Les Ponta Preta impressionnent pour un premier album. Évidemment, comme tout premier jet, on s’arcboute sur les ténors du genre, comme leurs homologues féminins de La Luz, mais aussi et surtout les Mystic Braves, The Molochs (en plus pêchu) et un peu The Murlocs (en plus maritime). Plus éloignés encore, les chœurs de Morning Tuesday ne sont pas sans rappeler ceux des compositions d’Ennio Morricone ou ceux du Michel Polnareff endiablé de La folie des grandeurs. Plus récemment, on repense aux débuts moins électroniques que gratte de Casablanca Drivers, ou ceux, plus psychés, d’Alma Real. Les Ponta Preta ne semblent pas vouloir se transformer en copie carbone de ce qu’est à présent Tame Impala (ils préfèrent de lui sa période InnerSpeaker). Nous apprécierons le fait que les deux singles choisis pour illustrer les clips soient les meilleurs morceaux. Comme tout jeune groupe, I Wanna Know est composé d’archives retouchées où l’on y voit de jeunes gens badiner près de la mer, et un homme plus mûr tenter de s’intégrer (le plus faible des deux clips, tant les clichés Beach Boys sont là), alors que Scusi Frate filme gracieusement les exploits du quiver réunionnais Jorgann Couzinet sur les vagues. Simple et efficace.
Soulignons la qualité de voix des deux chanteurs principaux, ainsi que les chœurs formant une très belle unité. Cette musique concentre tellement de rayons UV en elle qu’elle nous aura volé le soleil de nos congés. Il ne vous reste plus qu’à partir à la conquête des prochaines vagues et à embarquer les cinq beaux gosses dans votre autoradio. Quelques plages de cet album pourraient bien être celles de votre été.