Il faut dire que nous étions dubitatifs, quand nous nous sommes aperçus que la marque de glace Magnum avait choisi comme égérie musicale la jeune DJette pour illustrer leur campagne de pub. On doit même honteusement avoué que nous n’étions pas convaincus du talent de la dernière, les algorithmes s’affolant autour de sa personne en nous envoyant des extraits où celle-ci joue de ses (incontestables) avantages physique et vocal lors de DJ sets survoltés.
Bref, le vieux publicitaire en nous se disait que le choix était osé, tant la deep house, bien que connaissant un renouveau notable chez les jeunes depuis bientôt dix ans, reste un endroit quelque peu emmuré du grand public, loin derrière la (certes, électro) pop ou le rap ratissant les majeures parts du gâteau. On doute encore que le choix ait été lucratif pour la marque, préférant opter pour son image de glace de choix plutôt qu’une familiale. Mais si cela a profité à quelqu’un, c’est bien à Peggy Gou, l’éclairage fait sur elle. Et c’est tant mieux.
Non pas que la vitrine publicitaire est « fait » ce morceau, du tout du tout. Mais peut-être l’a-t’elle inconsciemment cheminée vers une deep house qui, par chance et bonne intelligence, pourrait passer en dehors des fenêtres de la « maison », pour se transformer en tube, en hymne estival. Et cela pourrait être le cas ici, tant les internets murmuraient sa venue avant même son officialisation. (It Goes Like) Nanana est d’une force de frappe fatale. C’est irrésistible ; léger et goûteux ; superficiel en profondeur ; idiotement pop, mais d’une belle, intelligente idiotie, celle sans abrutissement. D’une euphorie à vous dessiner un sourire. Pour ceux qui vomiraient ce genre de titre, pensez le comme un acte de résistance : la présence d’un tel titre au hit-parade, aux dépens d’un énième titre de fatigante trap ou de reggaeton sériel, c’est annuler l’entreprise d’enlaidissement général du monde ; tout du moins, le ralentir.
Tout comme le récent Miracles de Calvin Harris et Ellie Goulding, Peggy Gou pioche et cite victorieusement, éhontément les années 90 et leur légèreté : are the 90’s, the new 80’s? Don’t think so, la décennie 90 étant un peu moins riche que la précédente en fesses (et) en fêtes, quoique, sur ce point, cela se discute… L’inconscient collectif en a décidé autrement, mais le cadran festif pourrait changer, se déplacer d’une décade. Dans (It Goes Like) Nanana, on entend aussi bien l’énergie de Gat Decor que les notes bizzaroïdes du 9PM (Till I Come) d’ATB, mais aussi, dans les paroles et non la musicalité, un brin d’eurodance, la remembrance du Around The World (La La La La La) d’ATC, probablement. On perçoit l’optimisme et l’attente du nouveau millénaire dont les meilleures promesses ne sont jamais arrivées. Plus intéressant, l’origine de Gou, sud-corréenne, se fait aussi entendre ; comme quoi, une réappropriation n’est jamais qu’un pur copier-coller ne subissant aucune contagion de la main l’exécutant. On entend en elle la relecture asiatique des standards pop d’eurodance et de house, parsemée ici et là d’un sel n’appartenant qu’à l’Asie, une sorte de folie ne demandant qu’un épanouissement à l’air libre. Bref, à l’écoute, on ne sait plus notre âge, ni si l’on se situe dans le Rome de 1999, le Berlin en 2002 ou le Séoul de 2023, ou les trois en même temps, en ce même beau matin d’après-fêtes. Une légère brise époussette nos cheveux, et c’est merveilleux, tout bonnement merveilleux, oui ; les Nanana, inexprimables plaisirs et sensations de la vie, s’élevant sur la bâche d’un ciel bleu plage.
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