C’est l’histoire d’une bande de types, américains, qui écrit et compose depuis les années 80 mais qui a attendu 2004 avant de sortir son premier album. Cultivant une relative discrétion qui sied bien au genre, à sortir des disques aussi confidentiels que distrayant et euphorisants, The Silent Boys publie son neuvième album, Sand To Pearls, Coal To Diamonds qui bénéficie pour la première fois d’un petit éclairage de côté-ci de l’Atlantique par l’intermédiaire du toujours juste Too Good To Be True. A défaut d’être réellement silencieux, ces garçons sont en tout cas sacrément ordinaires. Le compteur bloqué sur l’époque il est vrai merveilleuse des singles compilés dans les Creation Soups, ces collections parfaites qui regroupaient les premiers single du fameux label du même nom, soit la crème de la crème des groupes ayant contribué à cette explosion pop dans les sillage d’Orange Juice et des TV Personnalities, Wallace Dietz et John Suchoki n’en ont que faire des modes, des looks et des tendances. Mieux, traitez-les tant que vous voudrez de « groupe des années 80 », ils sont clairement un groupe des années 80 perdus dans une faille temporelle qui les a vu comme tant d’autres arrêter la musique avec les responsabilités, de parents notamment (la légende prétend même que la salle de répét’ était devenue la chambre des bambins) et y revenir une fois la progéniture partie voler de ses propres ailes, dans les années 2000 donc. Comme la belle endormie au bois de la pop, le temps a cessé de d’écouler au cours de cette pause : on s’envoyait alors des cassettes par courrier et on photocopiait des fanzines mais au réveil, internet avait tout bouleversé, sauf l’amour qu’ils portent à cette pop intemporelle.
Plus influencés qu’influenceurs, musiciens de balades en bord des côtes atlantiques de leur Virginie de toujours, de barbecue entre vieux copains et de tournées se limitant au bars du coin, ces Silent Boys n’ont pas d’autre intention que de prendre du plaisir à composer et jouer leur musique simple, profondément humaine et sociale en ce sens qu’elle les lie les uns aux autres, comme on ferait du vélo en peloton le dimanche matin ou des rallyes en vieilles guimbardes les weekends de printemps après avoir passé l’hiver à les bichonner. Puis, comme il se trouve qu’ils sont plutôt bon dans leur genre, ils trouvent sans peine quelques bonnes âmes intéressées pour convertir leur musique en disque, minuscule pièce d’un immense puzzle de pop indé où chacun parvient à trouver sa place. Alors bien sûr, en écoutant Sand To Pearls, Coal To Diamonds vous remontera en tête des souvenirs musicaux des plus agréables, multiples, sans doute peu variés, mais qui contribuent à unir une communauté encore active.
Si on pense souvent aux Bats, c’est que la voix de Wallace Dietz a cette même rondeur précise que celle de Robert Scott qui, a bien des égards, caractérise cette pop du passé, un peu figée dans le temps mais que l’on retrouve toujours avec un immense plaisir. Sand To Pearls, Coal To Diamonds déroule sa collection de chanson sans temps mort. Si aucun véritable hit se démarque, même si Drifthood et sa guitare rollercoaster est sacrément bien enlevée, c’est que l’album fait surtout preuve d’une belle homogénéité. On pourra toujours reprocher que le groupe ne cherche jamais à sortir de sa zone de confort, on rétorquera qu’il fait, bien, ce qu’il sait faire de mieux. Alors il faut profiter. Profiter des joviaux Christine et Sugar House, du plus coquin Fantastic Weekend et sa guitare qui gronde, gentiment, n’exagérons rien. Profiter aussi à l’instar de The Orchids d’un I’ll Be Around qui flirte avec un groove un peu soul/funk. Profiter enfin du joli Everywhere Girl, hommage touchant et sincère à ces femmes d’une vie qui, s’en même s’en rendre compte, transforment le sable en perle et le charbon en diamants.
Musique nostalgique pour gens d’un autre siècle ? Certainement. Et puis ? Le débat est tranché depuis bien longtemps et il inutile de revenir dessus. Se plonger dans l’univers de The Silent Boys, c’est enfiler ce vieux t-shirt et constater avec satisfaction qu’il vous va encore et s’accommode parfaitement avec ces tennis neuves qui font indubitablement encore de vous un type cool. Un vieux poppeux un peu rocker mais qui n’a pas cessé d’acheter des disques en 1995 et continue à se pencher sur les nouveautés, même quand elles sonnent un peu vintage ; « son » vintage, pas celui de ses parents. C’est se rappeler que malgré le temps qui passe, quelles que soit les époques, la musique de l’adolescence n’a aucune date de péremption et qu’il n’y a aucune injonction sociale à passer à autre chose.