ALEXANDR invente la britpop du futur

ALEXANDR - SurrenderOn s’est demandé au premier coup d’oreille si on n’avait pas été englouti dans une faille temporelle, ou si comme dans le film Yesterday une coupure électrique n’avait pas effacé le souvenir qu’on avait pu avoir d’un méga groupe planétaire ayant sévi au milieu des années 90. Mais non. Le Surrender d’Alexandr est bien sorti il y a quelques semaines. Son écoute troublante donne le sentiment qu’en quatre minutes, un savant fou ou une intelligence artificielle a recomposé/recompacté dix ans de standards britpop pour en proposer une synthèse artificielle, une sorte de résumé d’attitude, de mélodie et de sons qui en reprendrait la substance pour les générations futures. Surrender a de faux airs de New Order, une basse solide, une capacité à naviguer sur le fil du bon goût qui émeut, une façon de privilégier l’émotion, un classicisme dans l’organisation qu’on ne croise pas tous les jours. Le chanteur a cette inclinaison de la tête qui ne trompe pas et qu’on croirait empruntée à un clone transgenre de Liam Gallagher et Bobby Gillespie (le sourcil broussailleux en moins), la voix qui traîne et remonte sur les fins de mots comme on crânerait devant les amis pour séduire la plus belle fille de la soirée. Il y a ce son de guitare, un peu Ride et un peu Cast, qui nous rappelle les plus belles heures de Tony Blair, et cette collection de looks, cette batterie martelée à l’ancienne, ces guitares jouées bas, ces sneakers et baggy, archi-lookés et ressemblant à un épisode (pour série télé) de Retour vers le futur.

ALEXANDR est le passé et le futur à la fois. Un futur vintage et réconfortant, accueillant et en partie aseptisé, histoire de ne pas rapatrier des microbes d’une autre époque qui nous décimeraient tous. On avait déjà salué une ancienne apparition il y a quelques années. On pourrait réécrire le même article mot pour mot autour de ce Surrender. Le groupe est devenu plus synth pop peut-être, plus doux et plus tendre. Un brin de Pet Shop Boys privés de machines et devenus trop vieux pour les clubs, recyclés dans les marchés bio et les puces. Une grâce à la The Wake et un fond de sauce soul de Bristol. Leur nouveau EP 4 titres s’appelle Surrender (aussi) et est disponible sur leur Bandcamp. C’est un chouette disque plein de nostalgie et de belles couleurs. Allez écouter le dernier morceau, Stay, qui est le meilleur des quatre et peut-être l’un des titres de 1995 les plus cool à avoir été écrits en 2019.

On peut se moquer de cette New BritPop ou de ce futur qui ressemble tellement à hier mais si le rock est une affaire de nostalgie, il n’y a aucun mal à avancer en reculant. ALEXANDR est une curiosité. Un artefact qui a la guitare entre deux ou trois générations, mais qui s’en tire avec une élégance insolente. Une drogue pas chère et en vente libre. Un machin pour les pervers et les quadras en manque.

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