Escape-Ism / The Lost Record
[Merge Records]

7.1 Note de l'auteur
7.1

Escape-ISM - The Lost RecordLa productivité de Ian Svenonius est affolante ces dernières années. L’ancien leader des Nation of Ulysses et de Make Up est au four et au moulin. Il semble qu’il prenne plaisir au fil du temps à s’installer dans des petits bleds pour des résidences éclair qui lui permettent d’enregistrer tout seul et comme un voleur des albums de contrebande, poussés les uns après les autres sans idée de manœuvre (commerciale), afin de montrer de quel bois le rock est fait. XYZ est son projet « électro » ; Escape-Ism le « minimaliste primitif » à la façon de Suicide ou plus près de nous d’un Rocket Mike en couveuse de son premier ep.

Il y a toujours chez Svenonius une forme d’intelligence historique qui consistait à travailler sur la matière du son, la pulsation qui constitue l’énergie primale ou primitive du rock et le corps du rockeur. Ce sont ces trois éléments qu’il pousse dans ses retranchements sur les albums d’Escape-Ism. Le premier, Introduction to,  le mettait en scène dans son plus simple appareil, jouant de (presque) tous les instruments, lesquels étaient réduits à rien : une guitare, une rythmique, un synthé, une voix. Ici, il reprend le dispositif d’une manière qui nous paraît tout aussi spartiate en y ajoutant des samples ou des effets sonores. Le résultat est encore une fois d’assez bonne tenue, moins surprenant mais tout aussi indispensable si on peut supporter cette absence complète de sophistication sur la durée d’un album. The Lost Record est une immersion en eaux rock profondes, une sorte de voyage dans le temps, aride et brutal.

Il y a en effet un coût d’entrée dans l’univers de plus en plus référencé et nu de Svenonius : il faut avoir en tête qu’il y a eu Jerry Lee Lewis, Bill Haley, qu’il y a eu Prince et aussi Suicide. Il faut connaître les genres et savoir pourquoi et comment Svenonius s’amuse à tourner ainsi autour comme un cinglé. Escape-ism présente son Lost Record comme un album perdu dont personne ne veut et ne voudra jamais. C’est un album formaliste plein d’humour et traversé par de remarquables inspirations. I’m A Lover (At Close Range) présente Svenonius sous son meilleur jour, plus cool que Jagger et sexy comme Prince. Il feule, il râle et il se balade sur un fond d’orgue digne d’un film de la Hammer. C’est du grand art. (I’m Gonna) Bite The Hand That Feeds est tout aussi chouette avec une ligne de synthé irrésistible. Plus loin, Bodysnatcher ressuscite le fantôme d’Alan Vega et de Suicide. C’est crasseux et interprété avec ce qui sonne plus comme des instruments jouet que des machines hors de prix. La musique d’Escape-Ism montre qu’on peut être le meilleur rockeur du monde et bosser comme un clochard avec des instruments à deux balles et en faisant tout (en apparence) par-dessus la jambe. I Dont Know Where Those Words Have Been est étrange et intriguant. Il y a du blues sur The Exorcist Stairs mais on préfère l’impeccable Darken My Night et sa ligne de basse au poil. Ce Lost Record définit un infra monde où on croise des rockeurs du bayou et des mecs des années 30, Elvis et Nick Cave à ses débuts. Svenonius est, parce qu’il a tous les talents, la somme des possibles, une sorte d’encyclopédie à disque ouvert de tout ce que la musique qu’on aime a pu ou peut proposer. C’est un caméléon et en même temps un historien, un comique, un amuseur à l’américaine.

On peut évidemment trouver qu’il se répète, que sa formule est chiante comme la mort ou que ce disque manque de tubes mais il faut oser pousser le bouchon aussi loin et se débarrasser du superflu. Toutes les chansons ne sont pas au même niveau, mais il y a suffisamment ici de trésors et de bons morceaux (Rome Wasnt Burnt In A Day, réenregistrée une nouvelle fois ; What Sign Was Frankenstein génial), pour passer l’hiver en cuir. Le rock est aussi une histoire qui radote, et c’est très bien ainsi.


Tracklist
01. The Lost Record
02. Nothing Personal
03. I’m A Lover
04. I’m Gonna Bite the Hand That Feeds
05. Bodysnatchers
06. The Feeling’s Mutual
07. I Dont Know Where Those Words Have Been
08. Exorcist Stairs
09. You Darken My Night
10. Alphabet s gotta Be Changed
11. Rome Wasn’t Burnt in A Day
12. What Sign Was Frankenstein?
Liens
Le groupe sur Facebook
le groupe chez Merge Records
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

More from Benjamin Berton
Vagina Lips saute du train en marche sur Get Off The Train
« I wanna get off the train / Let me get off...
Lire la suite
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *