Hans Zimmer / Dune (Original Motion Picture Soundtrack)
[WaterTower Records]

7.2 Note de l'auteur
7.2

Hans Zimmer - Dune (Original Motion Picture Soundtrack)A force de traquer son influence dans les travaux des autres, on avait presque oublié à quel point la technique de Hans Zimmer pouvait encore, en matière de BO, s’avérer meilleure et plus efficace que celle de ses nombreux épigones. Pas étonnant du reste que le compositeur allemand (américain désormais), ancien élève du britannique Stanley Myers, choisisse de se rappeler à notre bon souvenir sur la BO du Dune de Charles Villeneuve.

Le film est lui-même une belle transcription, assez fidèle mais surtout impeccable et relativement sobre du roman de Frank Herbert. La réalisation est plus technique que réellement inspirée, n’essayant presque jamais d’en mettre plein la vue au spectateur et gardant à l’esprit que le spectacle de Dune, par delà sa majesté spatiale et intergalactique, ses vers des sables et ses décors XXL est avant tout un drame politique, sec comme une tragédie grecque, et un roman/film d’initiation. C’est cette sobriété toute relative (on parle bien d’un ENORME blockbuster hollywoodien) qu’émule le grand Zimmer en renonçant ici en partie à ses tics grandiloquents et à l’emphase symphonique qui plombe jusqu’à la caricature ses BO les plus médiocres. On avait émis quelques réserves sur son traitement d’un Wonder Woman 1984 très faible et on en avait autant en stock pour certaines BO à la puissance de feu inversement proportionnelle à la subtilité, depuis Batman vs Superman, jusque X-Men Dark Phoenix ou encore l’assez moche Interstellar.

Zimmer, en collaboration avec Benjamin Wallfisch, avait déjà servi Denis Villeneuve sur Blade Runner 2049. Il y revient tout seul cette fois pour ambiancer un Dune qui lui permet de retrouver le contrôle de ses effets à l’oeuvre sur ses meilleures partitions, voire de retourner à la pureté d’intention de ses (presque) débuts. On pense à Black Rain ou dans un registre complètement différent au tact d’un Rain Man. Cette BO de Dune offre à Zimmer l’occasion de briller en mêlant de réelles inspirations ethniques (le monde des Fremen, d’Arrakis, tribal et mystérieux) et des morceaux de bravoure héroïques, les seconds n’emportant pas, pour une fois, tout sur leur passage. Certains morceaux sont convenus et rassurent le chaland : mise en place orchestrale, crescendo et explosions en série mais d’autres affichent une belle variété et une vraie volonté de contribuer à la création d’une émotion. Comme Villeneuve s’échine à ne pas trop en faire, on sent que Zimmer applique un cahier des charges qui l’incite à densifier le caractère spirituel et magique du propos. Les plages ambient sentent bon le sable chaud et sont étoffées par des recours à des choeurs vaporeux ou oniriques qui ont tendance à donner raison aux Bene Gesserit sur ces enfoirés de Harkonnen. Cela n’empêche pas Zimmer d’alourdir le propos quand il s’agit de fomenter un complot politique, de suivre un colibri tueur ou de cadencer une vengeance (Blood for Blood).

La BO ajoute au caractère immersif des images et souligne les aspects messianiques d’un récit qui est tout aussi religieux que politique. C’est d’ailleurs Zimmer, plus que Villeneuve lui-même, qui se charge par son recours aux voix et à ce mélange caractéristique d’instruments organiques et d’électronique de suggérer l’ascèse et les aspirations métaphysiques du film. Tout n’est pas parfait bien entendu mais Zimmer semble aussi à l’aise lorsqu’il s’agit de construire le drame et de monter en tension (Arrakeen) que lorsqu’il faut ouvrir les shakras et épater la galerie (Night on Arrakis). L’ensemble reste toutefois assez peu exotique et brutal, voire timide et conservateur . La vraie audace aurait sûrement été d’aller taquiner la world music et de s’immerger dans les sonorités caractéristiques des peuples du désert, ce que Zimmer s’interdit préférant rester dans un registre familier, qu’on peut assimiler à sa zone de confort. Cela ne l’empêche pas de dis-sonner avec raison ou de convoquer quelques tam-tam couleur locale.

Cette BO de Dune constitue un excellent exemple d’artisanat (industriel) réussi. Ce n’est pas le minimum syndical loin de là mais un produit un peu plus que conforme et médian, une vraie BO créative et rentre dedans, complexe et intelligemment construite. La réplique sonore et musicale du film qu’elle accompagne, si l’on veut faire simple. Zimmer renonce sur chaque note, comme Villeneuve sur chaque image, à être un auteur véritable, ce qui ne l’empêche pas de rendre un travail d’excellente facture, de nous livrer ce qu’il faut d’émotions, de montagnes russes, de sursauts et de caresses. Il faut savoir le faire dans le cadre hollywoodien. Mais on ne doit pas oublier qu’il y a plus riche ailleurs.

La bande annonce de Dune

Tracklist
01. Dream of Arrakis
02. Herald of the Change
03. Bene Gesserit
04. Gom Jabbar
05. The One
06. Leaving Caladan
07. Arrakeen
08. Ripples in the Sand
09. Visions of Chani
10. Night on Arrakis
11. Armada
12. Burning Palms
13. Stranded
14. Blood for Blood
15. The Fall
16. Holy War
17. Sanctuary
18. Premonition
19. Ornithopter
20. Sandstorm
21. Stillsuits
22. My Road Leads into the Desert
Liens

Lire aussi :
Hans Zimmer / Dune : Part Two

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3 Comments

  1. says: Li-An

    En général, je n’aime pas trop les BO omniprésente. Ça n’a pas été le cas ici. J’ai trouvé qu’elle accompagnait bien l’action, apportant une ampleur d’opéra à ce qui était montré à l’écran. Par contre, à réécouter sans les images, j’ai été moins emballé.

    1. Oui, c’est le cas. Pour moi c’est parfaitement adapté au film qui fonctionne à défaut de proposer un truc vraiment bouleversant. Mais peut-être est-ce que je suis trop loin du matériau « Dune » maintenant (je l’ai lu il y a une éternité sans me pâmer) pour apprécier complètement le film et sa dimension.

      1. says: Li-An

        Moi, j’ai adoré le livre dans ma jeunesse mais je n’ai pas réussi entrer dedans en tentant de le relire avant de voir le film. En même temps, je connaissais déjà bien l’histoire.

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