On ne va pas mentir : on aurait décerné le titre de clip du mois à ce I Feel Good du groupe électro français Agoria, sans aucune hésitation, si on avait pas lu dans l’argumentaire presse qu’il avait été composé à 100% par une intelligence artificielle. Est-ce qu’en s’enthousiasmant pour une telle réalisation, réellement sublime et très imaginative en plus d’être esthétiquement magnifique, on allait pas mettre sur le carreau des milliers de jeunes réalisateurs et réalisatrices jadis affectés à ces missions ? Est-ce qu’on allait pas trahir notre propre camp ? I Feel Good est de surcroît un excellent morceau, où l’on retrouve les très bonnes influences qu’affiche généralement Agoria en matière de musique électronique. On sent sur ce morceau une ambiance french touch (la voix de Madi Anne Davis, le texte romantique, la rythmique très Super Discount) croisée avec l’autre pôle d’attraction de Sébastien Devaud, la musique répétitive et les progressions millimétrées à la Jeff Mills. C’est planant, répétitif, haletant et en même très organique. Mais évidemment le clip n’y est pas pour rien. On en prend plein les yeux avec cette réalisation IA coordonnée par Ivan Beczkowski, qu’on doit donc louer au moins autant que les machines pour le résultat stupéfiant auquel on a droit ici.
Il est intéressant d’aller faire un tour sur le fil de discussion linkedin de l’artiste en charge du clip pour suivre les réactions d’un public (professionnel) autour de cette réalisation expérimentale et qui a été le fruit de trois mois de travail et de recherche autour des outils. Certains (à côté de la plaque) soulignent le manque d’émotion du morceau et du clip qui l’accompagnent et en imputent la responsabilité à l’IA. D’autres, comme nous, s’extasient sur un résultat qui n’aurait sans doute pas été accessible à un artiste comme Agoria en dehors d’un budget FX de plusieurs millions d’euros auparavant. Ce que l’IA permet, c’est à à peu près n’importe quel groupe de produire un clip qui se situe en matière de moyens, de potentiel créatif, de rendu sans doute à un très haut niveau d’expertise… sans les crédits associés d’ordinaire à celui-ci. Qui va regretter le clip bout de ficelle tourné dans la propriété de Mamie Josette avec trois intermittents et une caméra à l’épaule après ça ? Qui ?
On peut bien sûr faire la fine bouche et considérer que le produit n’est pas encore totalement abouti. Le créateur lui-même le présente comme une première tentative. Mais on sent bien ici qu’un monde est en train de s’ouvrir et que les possibilités sont quasi infinies. Combien d’être humains pour faire ça ? Un ? Deux ? On peut supposer que Beczkowksi a une petite équipe autour de lui. Ce n’est ni le même exercice, ni le même staff, ni la même configuration mais il y a sans doute au moins autant d’art là-dedans que ce qui se fabriquait avant.
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