J. Vague / Silver
[Mansions and Millions]

8.8 Note de l'auteur
8.8

J. Vague - SilverIl y a des fois où l’on regarde la liste sans fin des sorties mensuelles, inerte, étonné de constater tant d’albums de groupes inconnus se bousculant au portillon. Qui était J. Vague avant de se risquer à une écoute hasardeuse ?  Une ligne anonyme. Qui est J. Vague, à présent ? La meilleure surprise du mois.

Impossible de deviner que l’ex-membre de Beat! Beat! et Oracles n’était pas américain : il est allemand. Joshua Gottmanns ne chante donc pas de chants bavarois à la fête de la bière, mais bien une des meilleurs soul pop en langue anglaise. L’enseignement de l’anglais en Allemagne, c’est décidément de la « deutsche Qualität ». Silver est un premier album, faisant suite à New Life, court EP sorti en 2020, qui ne nous laissait pas présager une telle surprise.

Cela tombe sous le sens, qu’il crèche chez le berlinois Mansions and Millions, petit label de pop byzantine. Pourtant, il est très difficile de ranger J. Vague quelque part. nothing2hide emprunte aussi bien à David Bowie par la voix que Jamiroquai par l’ambiance lounge, la plage ressemblant à la musique de producteurs anglais comme Grant Nelson ou Richard Earnshaw, et sur laquelle on s’allongerait bien pour bronzer. RedLight est une piste à la production échancrée incroyable, d’une puissance hip-hop indubitablement américaine, laquelle se voyant ramassée et mise en chant par une voix de play boy du plus bel effet. Nous avons l’impression de marcher dans les rues solaires de L.A., sur quelques boulevards où des cheveux blonds volètent en liberté, là où la laideur est encore interdite. L’artiste ressuscitera quelques secondes l’âme de ses chanteurs de chevet, et pas des moindres. À l’embouchure de Getaway apparaît le George Michael de l’époque Fastlove, mais l’emprunt n’est jamais facile, il est on ne peut plus classe et mesuré, d’une grande teneur. Le pont de la piste est à tomber, et donne envie de rêver l’ordinaire, de sublimer l’abordable. La vie réelle… juste en un peu plus dorée. Les pistes s’enchaînent vite et bien, et c’est The Weeknd qui se voit convoquer à la barre. Crucified Love est d’un romantisme lugubre, et on sent les fumeroles entourer la ville de sa fièvre.

La septième vague

La tension se tient dans l’ombre des réverbères, prête à mouiller la nuit. À l’écoute de la voix veloutée de J. Vague, on devine qu’il sent bon, qu’il prend soin de sa peau. Michael Jackson vient le visiter plusieurs fois sur l’album, sur blue moon, mais plus encore sur DreamAlive (qui ressemble un peu trop au Could Be Love de l’EP précédent) où on devine que J. Vague a usé du bouton replay sur Human Nature, tout comme de pop ensoleillée à la Hall & Oates. L’emprunt n’est jamais éhonté, jamais appuyé comme le ferait Leon Else ; il est classe, comme tout bon gentleman cambrioleur. Get More est en soi une pure et inattendue pause post-punk et shoegaze, alors que nothingHOLY a le toupet de chaparder quelques éléments d’électro 80’s d’Art of Noise, voire même… de world music ! Cette dernière piste, on pensait la trouver bof, mais en fait non! S’en est impressionnant, cette liberté par rapport au début r’n’b. Pourtant, jamais il y a ce sentiment d’incohérence bordélique. L’album est apte à rassembler sous le même toit – l’égide du cool – des fans de genres totalement différents. J. Vague ne « joue » jamais à, il est un peu « de tout », sans jamais l’être « complètement », trouvant sa juste identité entre les lignes des genres (dont ceux de la soul et de r’n’b, pas les genres les plus simples à aborder pour un teuton) et gens dont il se réclame.

C’est une musique dans laquelle on a envie de vivre, au moins quelques semaines de vacances. Aux questions que l’on se pose quand on accueille quelqu’un avec lequel on a envie de faire des choses – « Quel album mettre ? Un album de rap ? Trop bestial. De rock ? Trop brutal, etc. » – cet album est une réponse possible, d’une classe et d’une diversité, à la fois court et tenant dans la durée. On regrette quelques morceaux désirant volontairement se montrer perfectibles dans leur forme, notamment dans leur achèvement, brutal et volontairement perfectible, lo-fi, comme à l’époque où on compilait un maximum de morceaux pour rentabiliser la bande. Aussi, on perçoit, après plusieurs écoutes, certains réflexes récurrents dont pourrait se départir J. Vague, mais rien de bien grave. L’envie de prolonger l’expérience est plus que là. « Let me be your girlfriend / Let me be your man« , oh que oui mon neveu. Treat Me est d’une vraie sensualité soul, languide comme du Foreigner cheveux au vent. On a l’air d’être dans une petite ville résidentielle de la côte Ouest gorgée de soleil, dans ces campus américains sans l’ombre d’un problème. Cette piste pourrait avoir été produite par la scène synthwave actuelle par des individus comme FM-84Mitch Murder ou Kavinsky. Nous aurions l’insolence même de dire que les pistes de J. Vague sont aussi bonnes que les noms prestigieux auxquels il se réfère. Silver est un pur plaisir, une musique à la fois magnétique et ventilée, très 80’s dans sa forme et 90’s dans son fond, apte à rameuter les amoureux de rock pop et de r’n’b.

Tracklist
01. nothing2hide
02. RedLight
03. Get More
04. Getaway
05. Crucified Love
06. nothingHOLY
07. blue moon
08. PSYCHE
09. Fire Fantasy
10. LoveLight
11. DreamAlive
12. Treat Me
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