Nos jeux de mots sont si pourris en ce début d’année qu’ils nous feraient presque peur. Plus en tout cas que cette cinquième chanson de ZEL, dont on suit le parcours titre à titre et dont on avait salué déjà la belle présence sur les compilations du label Petrol Chips. Pour tout avouer, ce single de pop douce-amère nous donne envie dès janvier d’écouter de la chanson française et de trouver une remplaçante bien vivante à Françoise Hardy qui n’est même pas encore disparue mais qui nous manque déjà un peu. Ce que faisait Françoise Hardy à ses débuts, ZEL le fait naturellement sur les compositions que lui offre Ray Bornéo, le grand manitou du label, compositeur et producteur en chef de Petrol Chips : elle chante, elle interprète, elle parle, elle susurre, sans jamais minauder ou se prendre pour la plus grande chanteuse de la planète. ZEL est une chanteuse qui, sur chacune de ses apparitions, révèle un monde de délicatesse et de précision, de fragilité et d’indécision. Sa voix est tendre, soumise aux caprices du compositeur, docile et agile comme le vent.
Au lieu de nous foutre la frousse, ce nouveau morceau Peur nous rend un peu plus amoureux de la jeune femme dont on ignore à peu près tout et qui incarne par cette invisibilité même (un visage sous les lettres majuscules du graphisme génial qui la suit de morceau en morceau), la rondeur du visage, le regard brun et l’espoir d’un nouvel amour. Numb était une chanson magistrale et presque époustouflante à cette échelle d’orfèvrerie, comme coupée en deux par le souffle de la production. ZEL y chantait comme une vraie chanteuse à voix, ce qu’elle peut être aussi. Peur nous la présente comme on la fantasme désormais : Sarah Nixey française, sublime et joueuse, faussement enfantine, aux mains de Luke Haines et John Moore sur les délicieux disques de Black Box Recorder. On ne sait pas si Ray Bornéo pense se servir d’elle de cette manière là mais on se souvient que par delà la beauté des chansons, la chanteuse finissait par renverser le pouvoir qui l’avait mise en place et croyait l’instrumentaliser. La chanteuse finissait par emporter la partie et par tout emporter sur son passage. ZEL nous fait cet effet, celui d’enclencher la magie qui dérange. Son potentiel est immense.