Quand le progrès technologique nous permettra de parcourir le monde en avion avec un bilan carbone nul, alors on pourra enfin aller assister à un match des All Blacks à l’Eden Park d’Auckland, grattouiller le ventre d’un koala et se recueillir sur la tombe de Grant McLennan à Brisbane au son de Love Goes On! de The Go-Betweens. Le soir, on descendra quelques bières distillées à la brasserie Speights dans un bar de Dunedin où Marlin’s Dreaming interpréterait une poignée de chansons sur une micro-scène. On pourrait même leur confier notre adoration pour leur musique en toute décontraction.
En attendant, la Nouvelle-Zélande continue d’alimenter nos fantasmes depuis que les disques de The Chills, The Clean ou The Verlaines ont donné forme au « kiwi sound » dans les 80’s. Pour découvrir Hasten, le troisième album de Marlin’s Dreaming après le formidable Quotidian (2020) et qui ‘inscrit en droite lignée de son longue filiation, on fera le voyage depuis notre canapé en se rendant sur la page Bandcamp du groupe (l’album n’est disponible à cette heure qu’au format digital).
Il ne faut que quelques secondes pour que la batterie de Showman arrive au soutien de la mélodie et déjà, on sait que ces jeunes gens partagent avec nous la même sensibilité et l’amour des mélodies cristallines. C’est le genre de chanson capable d’ouvrir un album en affirmant la pertinence d’une œuvre tout en ayant l’humilité d’une structure qui se dérobe, alors qu’à l’autre extrémité, Lumia en scelle l’épitaphe avec la délicatesse de l’intemporalité. Car Hasten ne porte pas les stigmates de son époque et se place en dehors des modes et des courants. L’instrumentation s’astreint à la plus grande simplicité et la production, limpide, ne requiert aucun artifice. L’électricité est employée à bon escient (pour souligner le propos, pas pour l’étouffer), les sonorités synthétiques sont bannies. Mais si le groupe reste dans une configuration classique et modeste, ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas imaginatif. Au contraire. Chacune des chansons met en lumière un motif, la plupart du temps joué sur une guitare plus ou moins acoustique, qui déambule au gré de contrepied et de changement de direction d’une section rythmique particulièrement véloce sur les morceaux les plus réussis comme le single Trophies ou Cliffs. Les références ne sautent pas aux oreilles, mais cette propension à transcender les structures formatées et la libre expression de chacun des musiciens rappellent The Sea & Cake. On peut aussi penser à ces quelques francs-tireurs de l’International Pop qui ont compris que le format de trois à quatre minutes d’une chanson n’empêche pas de partir en voyage. Au final, est-ce si important alors que la musique de Marlin’s Dreaming ait pris forme sur une île isolée ? Non, peut-être pas, mais avouons que cela donne une saveur particulière à leurs chansons pop-rock.