Dans le grand amphithéâtre romain de Binyamina en Israël, Morrissey a délivré un set pas si éloigné de ceux qui avaient été donnés à Paris et partout en Europe ces derniers mois. Aux côtés d’une majorité de titres très récents et de quelques miettes passées des Smiths, l’ancien leader du groupe mancunien en a profité pour entonner l’un des nouveaux morceaux de son (deuxième) nouvel album sans maison de disques : Notre Dame. Après avoir chanté les charmes de Paris sur le désormais classique I’m Throwing My Arms Around Paris, Morrissey, tout de noir vêtu, entamait cette chanson de près de quatre minutes sur un rythme répétitif et vaguement disco, pas si éloigné du cadencé The Night Pop Dropped dévoilé à Paris.
Notre Dame, sur une musique composée par Alain Whyte (dont les fans soupçonnent que le nouveau départ ait pu être causé par la teneur des paroles de cette chanson), prenait tout le monde par surprise par le caractère direct et ouvertement complotiste de ses paroles.
Notre Dame / We will not be silent
Before investigations / they say this is not terrorism
Notre Dame / We will not be silent
Before Any investigations / They say there is nothing to see here
Notre Dame / We Will not be silent
Notre Dame / A cold hand just touched me
Notre Dame / A cold hand just touched me
Notre Dame / We will not be silent
Before investigations / they say this is not terrorism…
Toute la nuit, le mozdom a échangé sur le net quant à ce nouveau morceau : Morrissey est-il devenu ouvertement fou ? Cette chanson condamne-t-elle définitivement, après le plus subtil Bonfire of Teenagers (autre titre sacrifié qui avait créé la polémique en évoquant de manière revancharde l’attentat terroriste de Manchester) le futur discographique de Morrissey ? Son racisme est-il désormais avéré ? A-t-il jamais écrit une chanson aussi terne et pauvre ?
On pourra deviser sur la nature de cette « cold hand » qui a touché Morrissey : est-ce la mort ? celle de sa mère qui lui a redonné la foi ? Est-ce l’Esprit Saint ? Est-ce un vent de folie et de déraison ? Est-ce un démon ? Toujours est-il que suggérer que l’incendie de Notre Dame ait pu relever d’un acte de terrorisme semble contredire toutes les enquêtes qui ont eu lieu depuis. Les complotistes se basent sur des « faits » plutôt minces pour embrasser cette thèse : quelques musulmans en tenue souriants pris en photo près du bâtiment, une soi-disant arrestation de deux musulmans à proximité quelques jours avant l’accident et d’autres bêtises de ce type. En choisissant d’écrire de cette manière frontale, et assez pauvre, sur cet incendie, Morrissey fait un peu plus que céder à son obsession pour la liberté de penser, il prolonge son discours anti-establishment (Spent the Day In Bed, par exemple) en relayant ouvertement (et en Israel qui plus est) des rumeurs idiotes. La chanson n’est pas rattrapée à ce stade par la qualité d’engagement vocal du chanteur, même si on peut apprécier le travail du groupe (renouvelé sur cette partie de la tournée) qui officiait pour la première fois ensemble. Le groove de Notre Dame est flippant et sinistre, rendu encore plus terrifiant par un chanteur qui fait de drôles de yeux hantés en entonnant son « this is not terrorism » incrédule, avant de brandir ostensiblement la croix et le chapelet qu’il porte sous sa chemise.
On a beau ne pas être insensible aux postures d’outsider du Moz depuis des années, fussent-elles ambigues depuis assez longtemps maintenant, cette dernière croisade, en bigoterie et extrémisme, est aussi répugnante qu’elle semble sincère et proche de la vérité (actuelle) du bonhomme. Il ne faudra pas s’étonner si les gens préfèrent écouter Rick Astley après ça.
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