Youpi, les clubs ont rouvert ! Nous voilà arrivés au bout de nos peines. Il ne reste plus que cette ultime playlist pour vous accompagner sur le chemin de ceux-ci (ou celles-ci). Un dernier article monstre sur ce grand courant musical trans-européen – avant la critique littéraire de l’ouvrage d’Aurélien Bellanger lui étant consacré – , qui pensait fêter la naissance d’une nouvelle Europe, alors qu’elle annonçait dans le même temps sa mort prochaine. Si vous n’avez pas encore lu les deux premiers épisodes, courrez les voir : l’un est ici, l’autre est par là. Vous pourriez penser que nous nous moquons un peu de l’eurodance, ce qui ne serait pas totalement faux. Mais c’est d’une moquerie qui châtie bien. Car cette musique en a rendu sincèrement plus d’un euphorique à l’époque ; et les temps qui courent l’ont violemment vieillie.
Il faut savoir que l’eurodance est au troisième millénaire ce que fût le rock de Woodstock au second, même si la comparaison semble un peu excessive, et elle l’est peut-être – mais pas tant. Un ensemble de croyances transmutées en musique. Un sédiment sonore fascinant qui permettra – et même, nous permet, dès aujourd’hui – aux extraterrestres venus ausculter ce tournant en musique de mieux comprendre nos idéaux et émotions envers le vieux continent. L’euphorie n’est pas tant perdue, mais celle-ci à laisser place à une véritable tristesse, quand celle-ci n’a pas muté en une véritable rancœur pour les plus aigres (ce qui n’est aucunement notre cas). Une tristesse qui ne provient pas tant de notre sensibilité, mais du regard à l’aune de notre époque, et des déceptions portées sur cette musique devenue désuète, trahis par notre crédulité. Ou, plutôt, par des croyances n’ayant su tenir leurs promesses.
Alors que nos musiques (dont l’électro et la pop en genres phares) vivent encore un pied dans les années 1980, elles ont pour beaucoup jeté aux oubliettes de la honte la décennie suivante, l‘eurodance en tête. Rien ne subsiste d’elle, si ce n’est quelques productions un peu marginales (mais, qui peuvent, par un concours de circonstances et de mauvais goût, devenir un tube estival oublié dès l’automne) de labels comme Kontor Records, ou dans des pays avec un léger temps de retard, de l’ex-bloc soviétique, notamment la Russie et la Roumanie. De « mauvais goût », oui, car ces quelques ersatz hors champs n’ont plus la saveur festive de la période eurodance, dont on peut estimer la naissance à 1988 et le décès à 2004. Oui, et nous serons d’accord avec Aurélien Bellanger sur ce point : la musique la plus excessivement joyeuse est aussi une des plus terriblement tristes.
Est-ce pour autant qu’il faut arrêter de danser et d’en rire? Assurément que non. Apprenons de vos erreurs! Bourlinguez comme dans ces communautés où l’on célèbre la mort d’un proche en faisant la chenille autour de son cercueil! Est-ce parce que vous savez que le Père Noël n’existe plus que vous arrêtez de le fêtez? Non! Bon, on ne va pas vous persuader de croire en des foutaises comme « vous pouvez aller n’importe où dans l’U.E. comme une marchandise… » à une époque où le passeport sanitaire sera de mise pour aller d’un pays européen à l’autre, si ce n’est d’une magasin à l’autre. Cela vaudrait encore à certains crédules de se rater dans un vote, mais… bon sang ! Que l’on n’aime ou non l’eurodance, que l’on soit un europhile zélé ou un frexiteur converti, l’écouter est résolument fascinant. Et nécessaire.
Communions alors par l’esprit avec cette musique, un peu comme on regarde tendrement des vieilles photos de nous plus jeunes. Il y a tant à apprendre de l’eurodance. Cet épisode final s’oriente davantage sur son versant sombre, à quelques exceptions près, sur des sujets comme l’amour, les solitudes urbaines et l’aménagement du territoire. Et, paradoxalement, ce sont les musiques les plus lucides sur l’époque, les plus torturées. Beaucoup moins grand public, elles sont plus orientées club, un peu comme si l’aboutissement du monde se trouvait au fin fond des discothèques.
00. Cher – Believe (1998) : la plus transgenre
En 1998, l’Amanda Lear de la country sortait Believe. C’est LE morceau qui démocratisa l’autotune. Vous savez, cet outil informatique permettant de fusionner une voix avec la tonalité d’une musique, ensuite récupéré par de multiples rappeurs comme T-Pain et Florida et, évidemment, l’électro. C’est à travers ce titre que tout commença. Le succès fut tel que, lorsque les Daft Punk composèrent One More Time, on ne pût s’empêcher de les moquer par la comparaison. À vrai dire, sans Believe, il est très plausible que One More Timen’ait pas existé. Et moult autres titres. À l’époque, Cher devint alors la senior la plus âgée à électriser les dancefloors. Le titre a une carnation étonnamment futuriste et entraînante. Les habits flashy sont de mise, les perruques fluorescentes arrivent. Believe est une anomalie dans le parcours de Cher, due à un coup de génie que deux de ses plus fidèles producteurs, ne venant même pas de l’underground, quand ces derniers eurent l’idée de trafiquer la voix de leur muse. Ainsi, les hommes créèrent la femme-machine.
01. Haddaway – What is Love (1993) : la plus « loveur »
Le siècle des guerres se termine. On peut enfin se crever le cœur à tenter de répondre à cette question existentielle qui nous remue depuis l’aube des temps : qu’est-ce, au fond, cette chose que l’on nomme l’amour? Vaste interrogation posée par Haddaway, succédant ainsi à Kierkegaard et Roland Barthes… Pendant ce temps, les sketchs du Saturday Night Live s’amusent à plaquer cette sage mélodie sur les SDF du cul que forment Will Ferrell et Jim Carrey, golden boys désespérés en recherche d’étreintes. Dès 1993, Haddaway anticipe la crise de l’amour et du hasard : finis les mariages arrangés, arrivent les divorces passionnels.
02. Londonbeat – I’ve Been Thinking About (1990) : la plus fidèle
À l’opposé, I’ve Been Thinking About est peut-être une des plus attendrissantes musique de nos 3 playlists. Il y a une véritable sincérité qui émane de ce groupe anglais, précisément dans la voix de son chanteur. Pour une fois que l’on peut croire sincèrement un groupe dressant des louanges à la famille nucléaire, au couple et à la monogamie plutôt qu’à vouloir trousser tout ce qui passe, on récompense notre quatuor d’une médaille. Ce qui les rend d’autant plus attendrissants, c’est aussi de voir dans le clip le groupe armé de tam-tam et d’une guitare électrique, soit jouer de la musique les bras croisés, soit faire semblant d’en jouer, alors que celle-ci ne détient – si l’on omet les quelques accords de grattes – que des notes d’ordinateur. Ne jamais croire ce genre de chanteurs, que j’vous dis, ce sont des bonimenteurs…
03. Ice MC – Think About the Way (1994) : la plus transportante
Encore un hameçon pour le lecteur de SBO néophyte en électro. Son profil-robot nous indique que celui-ci voue vraisemblablement un culte à Trainspotting. Bingo! Voici le meilleur titre de la soundtrack du film, celle où notre antihéros Renton se laisse convaincre de monter à la capitale pour se faire un max de flouze, donnant ainsi l’opportunité au grand Ice MC de côtoyer des petits gars comme Iggy Pop, Brian Eno et Joy Division, toutes choses égales par ailleurs. Rien de mieux que Think About The Way pour métaphoriser le dépaysement provoqué par l’urbanité de Londres : rythmes trépidant préfigurant les boîtes (à rythme) en lieu et place des vieux pubs à la radio FM ayant vingt ans de retard ; voix de gangaman préfigurant les vendeurs d’herbes caribéens trainant leurs pénates à Brixton. Un avant-goût d’exotisme pour nos bouseux cockney, et dans lequel nos gonzes ne vont pas tarder à s’engouffrer pour sniffer la vie à pleines narines.
04. Captain Hollywood Project – More and More (1992) : la plus dark
Les noirs dans l’eurodance sont toujours synonymes de noirceur, d’un regard sombre et mutique sur la société qui se prépare, empli d’un doute certain, désabusé. Sur un ton robotique, notre Captain nous parle de désolation, et arpente les rues de New York comme l’Inspecteur Harry, prêt à sortir son zgueg pour tirer sur l’amour. C’est la déshérence des villes individualistes, le règne de l’argent dans des villes en désillusion sentimentale, des cités où les dieux ont déguerpi. More and More est un hymne critique vis-à-vis du « toujours plus »…
05. Alice Deejay – Better Off Alone (1999) : la plus solitaire
Alice Deejay est plus qu’une DJ et danseuse hors-pair. C’est une sociologue, comme en témoigne le titre, du monde qui affleurait. Assorti de deux clips différents, celui sans Alice (la version anglaise) dénonce en images les solitudes du monde qui se prépare, la misère affective et les déserts mentaux des grandes métropoles. Le célibat consenti, en somme. Morceau emblématique de l’eurodance de boîte de nuit (donc triste), c’est ce morceau qui convie l’espace de quelques minutes les âmes en peine à danser sur celle-ci.
06. B.B.E. – Seven Days and One Week (1996) : la plus neurasthénique
Au revoir les joyeuseries ! Bonjour la dépression! Seven Days and One Week est un titre d’eurodance inquiet. B.B.E. savent que cette euphorie est un masque, qui cache un bien grand mal. Celui de l’individualisme. Dans le clip, une sirène mannequin asiatique, dénudée, erre dans un New York où les cadres costume-cravate et les jeunes ont les yeux rivés sur leurs pompes (et pas encore sur leur portable), accaparés par leur petit moi. Un cri désespéré sur des beats trépidants de solitude urbaine. Les lundis ressemblent aux samedis, les semaines aux mois. Nous voici au portail d’une nouvelle ère où le temps se dilue en pixels. Aucun mot, et pourtant : tout est dit.
07. Faithless – Insomnia (1995) : la plus « nuit blanche »
Tout espoir pour retrouver le sommeil est perdu. Avec ce monument de l’eurodance, les lumières stroboscopiques se mettent à tournoyer de l’œil. Dans sa première partie, le morceau est d’une angoisse totale, comme on traverse des quartiers malfamés, sous un ciel brumeux plombant, avec quelques heures de sommeil au compteur. Alors que dans sa seconde partie, les beats se défoulent à gogo, dans une harmonie qui marqua tellement de ravers que le titre fût de multiples fois remixé ou réinterprété. Insomnia devint un hymne de la scène électro pendant 25 ans. Au jour d’aujourd’hui, il l’est toujours. Entre deep house (son début) et trance (sa fin), son chanteur, allure de sidéen assez inquiétante, nous enfonce dans un trou noir dont on ne verra… jamais le bout du jour.
08. Robert Miles – Children (1995) : la plus infrastructurelle
Attention morceau culte : Children a été adoubé même par les plus eurodance-sceptiques du genre comme un classique. Là encore, une musique de ravers à chien dépressifs. Le clip (somptueux, dans sa symbolique inconsciente) adopte le point de vue d’un enfant, spectateur d’une Europe à porter de voiture, allant vite, toujours plus vite, toujours plus loin. L’Europe y a perdu tout éclat. La caméra y montre des grands espaces urbains ou naturels (montagnes, forêts, fleuves), nervurés et ridés par des infrastructures (voies, rails, autoroutes, canaux) grignotantes. Rien de pire pour se remettre sur des rails de coke.
09. Da Hool – Meet Her at the Love Parade (1997) : la plus « red light«
On commençait un peu à s’éloigner de l’eurodance avec Insomnia pour toucher à autres choses. Meet Her at the Love Parade est un peu de cet acabit : un eurodance beaucoup plus fin, croisée à la deep house rapide et à l’acid prononcé. Le bloc soviétique a implosé. Tous les jeunes se vautrent dans le bloc de l’autre, direction l’ouest. La jeunesse européenne se lance dans une déflagration de fête, délivrée de leur laisse. Il est venu le temps des nuits infinies et des jours sans vie. À Paris, les trans sortent de leur cachette, paradent fièrement dans des marches nuptiales. À Berlin, les filles et garçons se dandinent lascivement dans des tenues fluo. À Amsterdam, la pornographie explose à ciel ouvert. Da Hool nous fout profond un doigt dans le culte.
10. Darude – Sandstorm (1999) : la plus excitante
Là encore, petit pas de côté pour s’extirper de l’eurodance dur, pour se lancer dans un cocktail d’euro-acid-trance assurément éruptif. Ultra rythmée, violemment conviviale, elle donne envie de se déshabiller sur la piste, de faire la bête à 1500 dos, un agrégat de corps désarticulés mais indivisibles, un peu comme Le Parfum de Patrick Süskind. Courir avec du Darude transformera n’importe quelle personne en surpoids en svelte Néo de Matrix, via des implants d’images de film d’action que ce titre extra-stimulant injectera directement dans votre hypothalamus. À vous en donner envie de gravir des montagnes! Sandstorm, c’est la certitude d’une victoire haut la trique. Sandstorm, c’est du pur dopage musical, et le mieux, c’est que c’est même pas sanctionné.
Finalement, ce top 10 contient 11 pistes. Nous ne sommes pas à une étrangeté près avec l‘eurodance. Afin de ceinturer la totalité du genre, nous nous sentions obligés de rajouter 5 autres morceaux, et pas des moindres. Ces pistes bonus, à l’exception du morceau d’Everything But The Girl, s’axent soit sur la rencontre de l’eurodance avec l’émergence de la culture nippone, combo assez détonnant, soit avec celle, post-mortem, de la pop des pays de l’Est, la Roumanie en tête. C’est d’ailleurs dans les pays de l’ex-bloc de l’Est qu’un véritable engouement pour l’eurodance subsiste encore. Ainsi, tout sera dit.
Bonus :
01′. Everything But The Girl – Missing You (Todd Terry Remix) (1994)
Là encore, c’est de l’eurodance qui n’en est pas tant, mais dont on n’arrive pas à découpler le morceau de celle-ci. Remixé par le grand Todd Terry, dont la postérité retiendra cette version, elle tapisse les années 1990, étant passé non-stop pendant plus de 6 mois dans les clubs les plus sinistres. Pas mal pour une musique démoralisante. On ressent la lassitude des couples, les peines de cœur vécues chambres à part. Deux êtres s’aimant, mais n’osant aller jusqu’au bout pour se dire les choses en face. Résultat des courses : perdant-perdant. Chacun pleure en silence, avec pour seule lumière la lueur bleutée d’un écran diffusant un porno soft. La figure du couple s’évanouit dans une pénombre profonde, dans des rues sans âmes ni chaleur, si ce n’est celle des lampadaires.
02′. Daddy DJ – Daddy DJ (2001) : la plus gamine
Si vous voulez initier votre enfant pour parfaire son oreille musicale (ce qui est gravement conseillé) avec de l’eurodance, commencez avec un morceau accessible. Daddy DJ de… Daddy DJ est une parfaite introduction. Une voix de castra déréglée des cordes vocales, sortant presque d’un animé japonais, un petit personnage sympathique, une musique pour préfigurer les couleurs des vacances, de plages, la tendresse des filles adorables et des garçons fraternels… Donnez-lui une pointe d’espoir. La descente sera violente à 12 ans, épargnez-lui l’insouciance de sa jeunesse grâce aux promesses de Papa DJ… À l’époque, même en 2001, l’humanité avait l’espoir comme horizon, celle des jours plus doux… eh oui, fiston, c’était l’bon temps!
03′. Froggy Mix – No Nagging (2001) : la plus « Club Dorothée »
Au début des années 2000, il arrivait qu’un gosse, dont la connaissance en dessins animés se limitait aux Walt Disney, guette avec impatience sur M6 l’heure des animés japonais, entourés d’une aura un peu plus violente et érotique que la moyenne. Il arrivait que de nombreux clips, comme One More Time, soient animés en manga japonais. La culture japonaise explosait à cette époque : les cartes Pokémon envahissaient les cours d’école, les VHS s’échangeaient sous le manteau, et les jeunes femmes reproduisaient la même coiffure phosphorescente que Mylène Farmer portait dans L’Âme-Stram-Gram. Il arrivait aussi que le chemin inverse se fasse : que des animés prennent de la musique électro, généralement ultra énergisante et pas fine du tout, pour la plaquer sur un générique de début. Ce fut le cas avec la série Cardcaptor Sakura, qui eût le merveilleux goût de solliciter les français de Froggy Mix. Le morceau est une pépite, complètement oubliée, un extraordinaire trait d’union entre la frénésie eurodance et les japaniaiseries démantibulées du bulbe. Les enfants pourront en témoigner : ils devenaient épris d’aventures, avaient envie de foncer en pyjama dans l’écran, la Tamagotchi dans le pyjama, pour se faire avaler par celui-ci, et découvrir un univers magique peuplé de nymphettes en jupe extra-courte, de monstres ultra-stylés… et de musique méga cool.
04′. Alexandra Stan – Mr. Saxobeat (2011)
Tiens, 2011? Pourtant, l’eurodance semble mort. Oui-oui, nous ne sommes plus dans l’ère faste de ce genre, pratiquement disparu. Et à la fois non-non, car l’eurodance, comme tout animal en voie de disparition, a évolué en quelque chose d’autre. L’électro roumain est probablement le courant le plus représentatif, avec Edward Maya ou Inna. Et elle éclata avec Amazing, tout autant qu’avec Mr. Saxobeat, chez les adolescents de 16-17 ans, à l’époque où on organise ses premières soirées. La musique urbaine ne détenait pas encore le monopole. La vague roumaine contenait des promesses de fêtes, de flirts et d’océans. On retrouve ces beats bleutés accompagnés de quelques instruments traditionnels, preuve s’il en est que l’Europe de l’Est n’a pas complètement vendu son âme aux GAFA. Avec Mr. Saxobeat, Alexandra Stan, qui était absolument loin d’être laide, tente de s’enfuir d’un commissariat où on se demande, de qui, entre les sbires de la chanteuses et la brigade de police, est la plus victime de l’autre. On a jamais autant eu envie de se faire coffrer par une flic comme ça. Ou alors de se réincarner en saxophone après notre mort.
05′. Inna – Amazing (2011)
On a eu du mal à choisir entre Deja Vu, Hot et Sun is Up, alors on a choisi celle par quoi tout a commencé. Amazing est extraordinaire. Produit par le duo Play & Win, les fers de lance de l’électro-pop roumaine, c’est le titre qui lança Inna comme son étendard, sorte d’eurodance lyophilisé, certes, mais beaucoup mieux adaptée à son époque, particulièrement le tout début des années 2010, période très bling-bling avant que cette imagerie s’effondre. Cette imagerie, que l’on voit très bien dans ce clip, qui met en valeur les plages européennes (ici, celles de Lisbonne), le surf, le farniente décomplexé, et la sexualisation des corps féminins et masculins. On pourrait y voir un regard excessivement insistant sur le corps d’Inna, mais les textes de ces musiques prouvent une sorte de prise de pouvoir féminin, de jouissance de la jouissance, narcissique mais naturelle, ressentie par une femme constatant son effet. On devrait plus souvent écouter les paroles des musiques électro, même simples, plutôt que de les juger hautainement. Amazing s’écoute comme on croque une glace Mico sur le sable. On a envie de partir à Odessa ou à Constanta, voir si de telles créatures existent réellement. Il y règne une telle concentration de beauté que l’on espère être sauvé par des sauveteuses, une fois la musique coupée.
Voilà. Nous arrivons à la fin de notre tournée de l’Europe. Vos oreilles arrivent, elles aussi, au bout de leur peine. Nous espérons que cette série aura toutefois enjolivé votre été, sur la route des vacances ou autour d’un match de l’Euro. Mais, plus encore, nous espérons qu’elle vous aura montrer que la musique est révélatrice de croyances et de son zeitgeist, l’ère de son temps. Nous voulions démontrer que derrière son apparente grossièreté, elle avait quelque chose à nous dire d’éminemment plus fin. L’eurodance était une sincère tentative de fusion des peuples européens, de réconciliation après la Seconde Guerre Mondiale et la chute du mur de Berlin. Cette série fut la réponse à la déception ressentie à la lecture d’Eurodance d’Aurélien Bellanger, un livre en lequel on plaçait toutes nos espérances, étant donné l’auteur, et que l’on pensait comme un véritable essai sur le genre musical, ce qu’il n’est pas. Voici, sous la forme de 3 playlists à picorer, sur un ton que l’on espère fun et second degré, mais avec aussi un poil d’esprit de sérieux en invoquant plusieurs disciplines (comme la sociologie, philosophie, économie, idéologie), notre réponse. Clap de fin.
01. Haddaway – What is Love (1993)
02. Londonbeat – I’ve Been Thinking About (1990)
03. Ice MC – Think About the Way (1994)
04. Captain Hollywood Project – More and More (1992)
05. Alice Deejay – Better Off Alone (1999)
06. B.B.E. – Seven Days and One Week (1996)
07. Faithless – Insomnia (1995)
08. Robert Miles – Children (1995)
09. Da Hool – Meet Her at the Love Parade (1997)
10. Darude – Sandstorm (1999)
Bonus :
01′. Everything But The Girl – Missing You (Todd Terry Remix) (1994)
02′. Daddy DJ – Daddy DJ (2001)
03′. Froggy Mix – No Nagging (2001)
04′. Alexandra Stan – Mr. Saxobeat (2011)
05′. Inna – Amazing (2011)