Il faut dire que nous n’étions pas les plus inspirés pour ce titrage d’article. Le lecteur doit savoir qu’il a échappé à « The Chems font la grève avec Robert Smith pour No Reason » pour attirer les fans du chanteur de The Cure et augmenter nos stats sur la toile. Car oui, que vous le croyez ou non, on était persuadé que la nouvelle potion du duo, No Reason, était garantie à 98% de TCB pur jus… et d’1% de Robert Smith, juré… craché !
Cachée dans les entrailles de cette piste, la voix qu’on pensait échantillonnée d’un Rob alcoolisé en plein concert, est en fait de Second Layer (en particulier, du morceau Courts or Wars), un vieux groupe de cold wave disparu depuis 1981 : « We have no reason to live / We have no reason at all / We have no reason to live / When will they kill us all« . Il ne croyait pas si bien dire. Pourtant, c’est tout le contraire que semble nous dire The Chemical Brothers, tant leur excellente piste est à la fois enjouée, tout en étant un poil pentue. La voix de Adrian Boland, répétée inlassablement comme un mantra contestataire discordant, semble indiquer que le duo sait de quoi il en retourne de notre époque détricotée. Après l’album d’Orbital et en attendant le prochain The Prodigy, les garçons nous balancent pas tant par hasard cette grenade diazépamique (agitant la foule), nous assurant qu’ils sont toujours en forme après trente printemps à délivrer quelques élixirs aussi surprenants que variés. On n’en doute pas un seul instant – il suffit d’ailleurs de regarder le clip presque par essence publicitaire – pour comprendre que la piste sera reprise sous le giron du grand capitalisme : No Reason sera réutilisée pour encourager l’achat d’une voiture stylée ou d’un parfum sentant cher, mais nous le feront bellement cette fois, dans la classe et la bonne humeur. Y a comme une fumée de nihilisme acidulé dans l’air, n’est-ce pas?
Car oui, on aime beaucoup cette ligne funky à la fois ténue et tonique qu’on croirait repêcher des Daft Punk période Homework, ainsi que toutes ses sonorités électroniques très French Touch qu’anglais, français et américains avaient en partage à cette époque. Puis, au bruit d’un fameux cri provenant d’un effet de Janet Jackson (le 1% restant, à 0’12 de The Pleasure Principle), gimmick ayant fait le bonheur des Bingo Players et tant d’autres DJ, la piste se transforme pour reprendre à elle tout le sel de l’acid house des 90’s. Le morceau est un fourre-tout de toutes ses sonorités club de cette décennie, le tout agencé et ordonné en bonne et due forme. Si l’on nous avait dit que No Reason figurait cachée et oubliée dans un de leurs premiers albums, ou que la piste était une ancienne démo ressuscitée pour l’occasion, nous n’aurions pas été si surpris. Le morceau doit s’entendre comme un point de passage entre le No Geography (2019), dernier album en date, et le prochain s’annonçant donc en grande pompe. S’il est de l’acabit de ce single, c’est une vrai raison pour s’en réjouir.