Pour cette nouvelle tournée, entamée début février afin de présenter l’album Vif !, Françoiz Breut, à l’invitation du centre culturel de La Ville Robert de Pordic, a eu la très bonne idée de venir faire un détour en Bretagne. Autant dire un peu à l’écart des salles de musiques actuelles habituelles. Cette petite salle – un amphithéâtre de 192 places assises -, aménagée dans un ancien corps de ferme, est située au cœur d’une charmante localité, à deux pas de Saint-Brieuc. L’ambiance conviviale du lieu, toute en prévenance et en simplicité, entretient une atmosphère quasi familiale. Dans un contexte un peu similaire, nous avions eu l’occasion d’écouter Françoiz Breut il y a deux ans au Théâtre de l’Arche de Tréguier. Si l’on souhaiterait évidemment la voir remplir des salles plus importantes, il faut bien avouer que, pour notre plus grand bonheur, ce genre de salles chaleureuses, aux capacités modestes, servent parfaitement les atmosphères intimistes qu’elle distille maintenant depuis 1997.
Françoiz Breut est de cette génération d’artistes, parmi lesquels on compte évidemment Dominique A, Philippe Katerine ou encore Michel Cloup, qui, au milieu des années 1990, notamment sous les impulsions du label Nantais Lithium, a su nous donner goût à une nouvelle façon d’envisager la pop française. Depuis, avec 8 albums studio et une belle poignée d’autres projets discographiques, fruits de multiples collaborations, auxquels s’ajoute une prolifique activité d’illustratrice, Françoiz Breut, sans être véritablement en retrait, poursuit sa carrière à un rythme qui semble faire abstraction des urgences productivistes et promotionnelles pour se focaliser sur l’essentiel : l’exigence de créations raffinées.

Pour cette tournée c’est en trio que se déploie le concert. Toute de noir vêtue, Françoiz Breut arbore un ostensible collier de cristaux multicolores. Elle occupe le centre de la scène, parfois presque discrète, contenue et appliquée. Elle alterne des mouvements de recul, des attitudes de replis introspectifs auxquels succèdent des ouvertures souriantes, ondulations généreuses et enthousiastes vers son public captivé. Sa voix, tour à tour caressante, susurrée, sensuelle, se fait à l’occasion plus envolée ou même naïvement enfantine. Elle est admirablement épaulée par un duo, composé côté cour par Marc Mélia, aux claviers et aux chœurs, et à jardin par François Schultz, en charge de la rythmique et des guitares. Deux compagnons de route qui accompagnent sa discographie et ses escapades scéniques depuis 2021 et l’album Flux flou de la foule.
Le nouvel album Vif ! est une forme de contrepoint aux atmosphères urbaines du précédent Flux flou de la foule. Il distille allégrement des climats évoquant les espaces naturels. Le végétal et l’organique y règnent en maitre. La part belle est ainsi accordée à ces deux opus, qui permettent d’organiser une forme de dialogue, de mise en tension entre le végétal et le minéral, entre les champs et les sous-bois d’un côté, la rue et le béton de l’autre. La set liste puise équitablement quatre titres dans l’un (Hors sol, L’ode aux vers, Ectoplasme et crever l’asphalte), et quatre dans l’autre (Juste de passage, Mes péchés s’accumulent, Métamorphose et Dérive urbaine). Au-delà, et pour notre plus grand plaisir, le trio s’amuse à picorer dans la copieuse discographie de l’artiste, avec cependant une impasse sur les albums La vie devant soi (2005) et A l’aveuglette (2008). En milieu de set, l’incontournable Ma colère nous ramène en 1997. La nuit repose et Si tu disais, avec son envolée magistrale, ainsi que Derrière le Grand filtre, parfaite clôture de concert tout en crescendo, sont tirés de Vingt à Trente mille jours (2000), ils croisent Mes certitudes et l’émouvant La vie devant soi, interprété en duo avec François Schultz en ouverture de rappel, trois titres issus d’Une saison volée (2005). Cette copieuse poignée de morceaux nous replongent avec délice au début des années 2000 et prouvent à quel point l’écriture de Françoiz Breut traverse les années sans perdre, bien au contraire, ses immenses qualités. L’album Zoo (2016) est lui aussi bien représenté avec La conquête et le titre éponyme Zoo.
Sur la scène de La Ville Robert, Françoiz Breut nous a livré une prestation à son image, rêveuse, imaginative et pourtant bien les pieds sur terre. Elle s’impose toujours davantage comme une artiste rare, généreuse, curieuse et d’une sincérité désarmante, de celles qui, malgré la tourmente et face aux monstres contemporains, savent maintenir en nous une foi indéracinable en la beauté de l’âme humaine. Sa musique et ses mots, tour à tour réconfortants et déstabilisants, sont comme un cocktail savamment dosé, nous font délicieusement osciller à travers les affres et les enchantements de la condition humaine contemporaine.
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