Memory Drawings / Deathbed Requests
Deathbed Requests (Remixes and Reworks)
[Sound In Silence]

6.5 Note de l'auteur (Album)
8.5 Note de l'auteur (Remixes & Reworks)
7.5

Memory Drawings - Deathbed RequestsAvant même de commencer à l’écouter, Deathbed Requests, cinquième album de Memory Drawings que sort le label grec Sound In Silence offre déjà une belle curiosité. Ça n’est pas simplement sa livrée DIY somptueuse qui voit l’édition limitée double CD emballée dans un pochette tissus cousue à la maison qui attire l’œil mais aussi, et surtout peut-être, les crédits du disque. Alors que depuis ses débuts en 2012 avec Music For Another Loss, le groupe était présenté comme l’un des deux principaux projets de Richard Adams avec The Declining Winter, le voilà complétement ghosté de ce nouvel album, tout comme la majorité des musiciens britanniques du collectif (Gareth S. Brown, Chris Cole) à l’exception de la violoniste Sarah Kemp. Retour aux sources donc pour Joel Hanson qui est rentré, lui qui vit depuis de longues années à Casablanca, se ressourcer à Minneapolis auprès de son frère Bradley et de ses amis musiciens pour certains membres avec eux de Passage et Judgement Of Paris au début des années 1990. Que s’est-il donc passé pour que la plupart des anglais du collectif et non des moindres tant ils contribuaient à façonner le son de Memory Drawings soient ainsi absents de ce nouveau chapitre ? La rédaction de Sun Burns Out n’a pas vraiment enquêté et les maigres interactions autour de cette sortie sur les réseaux sociaux des uns et des autres ne fournissent pas beaucoup d’indices sur les circonstances de cette séparation.

Alors, évidemment, si la musique de Memory Drawing reste centrée autour de l’usage du dulcimer hammer, cet instrument à la sonorité cristalline si particulière qui fait la signature sonore du groupe depuis ses débuts, l’ambiance très américaine de l’enregistrement ainsi que les nouveaux partenaires de Joel Hanson sur ce projet ont considérablement façonné la tonalité de Deathbed Request. Finies donc les ambiances pastorales des albums précédents. Même le violon de Sarah Kemp se met au diapason de ce rock instrumental sur lequel l’électricité et la rythmique tiennent une place bien plus prépondérante qu’à l’accoutumée si bien que l’album renvoi régulièrement aux bons souvenirs laissés par la vague post-rock du tournant entre les deux millénaires. On se rappelle en particulier de deux musiciens essentiels, Adam Pierce (Mice Parade, The Dylan Group) et Doug Sharin (Him, Codeine, June Of 44 entre multiples autres) et de la musique extrêmement évocatrice que l’un et l’autre contribuaient à créer, parfois ensemble chez Him, notamment lorsqu’ils s’inspiraient du dub ou de rythmiques plus exotiques.

Deathbed Request façonne donc ainsi lui aussi un post-rock un peu old school à l’écoute duquel chacun demeure libre de divaguer au grès des huit chapitres que dure le disque… ou de vaquer à ses occupations ordinaires. C’est que l’histoire a déjà été racontée maintes et maintes fois par le passé et ce nouveau tome peine à montrer tout l’intérêt qu’il devrait susciter. Rien de rédhibitoire, bien évidemment : peu de risque que les habitués du groupe ne trouvent pas ici matière à y prendre un minimum de plaisir. Pour autant, l’usage du dulcimer hammer ne peut pas être une fin en soi et doit se concevoir comme une plus-value instrumentale permettant à des compositions de belle tenue de grimper encore plus haut en ne négligeant surtout pas l’écriture. Sauf qu’ici, tout est aussi plat qu’une plaine du Midwest où ce disque a été conçu. Et c’est bien cette absence de relief qui rend le disque malheureusement trop quelconque, renvoyant le plus souvent aux bons souvenirs évoqués plus haut qu’à l’idée de s’en créer de nouveaux avec lui. Seul réel petit sommet du disque, You Won’t Want To Hear This parvient enfin à véritablement capter l’attention avec sa mélodie à tiroirs dans une construction alambiquée où se côtoient rock acéré et touches électronique sur lesquels l’instrument de prédilection de Joel Hanson semble cette fois mis au service du morceau.

Memory Drawings - Deathbed Requests (Remixes and Reworks)Finalement, l’album bonus de remixes, présentés en miroir de Deathbed Request s’avère pour une fois plus intéressant. C’est que Memory Drawing, depuis ses débuts, a pris l’habitude de proposer en édition limitée une relecture de chacun de ses albums, soit à travers des versions chantées, soit à travers des remixes pas toujours convaincants et qui ne parvenaient que rarement à dépasser les originaux. Mais cette fois, l’entreprise semble plus pertinente et intéressante. La raison est sans doute assez simple à trouver : après s’être débarrassé de la majeure partie de sa colonie britannique pour revêtir des oripeaux référencés ramenant vers le post-rock US, Joel Hanson s’est pour ses remixes attaché les services de la fine fleur de l’ambiant mondial, des anglais de Yellow6, Epic 45, Hessien ou Maps & Diagram au canadien Test Card en passant par les islandais Stafrænn Hákon ou la toujours intéressante néozélandaise Birds Of Passage. Les morceaux gagnent alors en variations de tempo et de textures, parfois même en complexité. L’instrumentation s’équilibre avec des cordes relevées au détriment d’un dulcimer hammer moins central, sauf quand il bénéficie lui aussi d’un traitement qui le rend moins monotone notamment sur le remix signé Yellow6 qui s’achève dans un bain de guitares qui fait le plus grand bien. La rythmique, en particulier la basse pèse moins sur l’ambiance de morceaux qui gagnent clairement en ambiant ce qu’ils perdent en post-rock et alors que l’on allait finir par se demander ce que l’on faisait là, cet album de remixes finit par se révéler en tout point passionnant.

Alors, un seul être vous manque…. ? C’est sans doute plus compliqué. Si on n’a plus besoin, surtout ici, de vanter les mérites et le talent d’un Richard Adams essentiel depuis plus de 30 ans, il n’a pas non plus dans l’imaginaire collectif avec Memory Drawings l’impact que pouvait avoir sur « l’album d’après » l’absence de Gerard Love du Teenage Fanclub ou celle de Peter Hook chez New Order. Pourtant, ce nouvel album en demi-teinte, pas complétement raté mais qui se révèle bien plus intense dans sa relecture que dans sa livrée originale montre à quel point l’homme du Yorshire aura été jusqu’à cet épisode un élément liant dans le collectif. Séparation définitive ou conjoncturelle ? Il faudra donc attendre le prochain album pour savoir ce qu’il en est vraiment.

Tracklist
01. Some Vague Sense Of Belonging
02. These Are My Interpretations
03. Grateful For What Amounts To Nothing
04. Non-Aggression Pact
05. A Necessary Fiction
06. Divisible By Three
07. You Won’t Want To Hear This
08. A Final Request

Remixes And Reworks
01. A Final Request (Birds Of Passage Remix)
02. You Won’t Want To Hear This (Hessien Remix)
03. Divisible By Three (Maps And Diagrams Remix)
04. A Necessary Fiction (Yellow6 Remix)
05. Non-Aggression Pact (Stafrænn Hákon / Opandolfo Remix)
06. Grateful For What Amounts To Nothing (Cloudwarmer Remix)
07. These Are My Interpretations (Test Card Remix)
08. Some Vague Sense Of Belonging (Epic45 Remix)

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