Eagulls / Ullages
[Partisan Records]

9.5 Note de l'auteur
8 Note de Matthieu Malon
8.8

Eagulls - UllagesLubie de graphiste ou coup de cœur pour un cliché découvert lors d’une exposition photographique ? Toujours est-il que pour illustrer son second album, Eagulls a choisi un épouvantail. Et, en effet, Ullages a tout pour faire peur à la concurrence quand sonnera l’heure d’élire l’album de l’année. Car vu le nombre d’écoutes depuis sa parution il y a déjà quelques semaines, Ullages est déjà quasiment sûr de rafler la mise aux points. Mais c’est anecdotique, tant l’importance réelle de ce disque ne pourra s’apprécier qu’à l’aune des années. Oui, c’est dire l’impact de ce disque, dont on n’attendait pas autant – non, vraiment, il faut préciser qu’Eagulls n’était pas attendu comme le Messie.

Certes le premier album éponyme du groupe de Leeds publié en 2014 (déjà chez le label américain Partisan Records) avait déjà séduit les amateurs de rock incendiaire, de compositions urgentes et fortes en gueule. L’énergie et l’immédiateté suffisaient déjà pour faire d’Eagulls un sérieux outsider. Mais le quintette, nullement impressionné par les difficultés tant redoutées du second album, a su se transcender avec maestria pour livrer une œuvre d’une intelligence rare. Oui, l’intelligence de ceux qui savent magnifier les sentiments.

En troquant les artefacts post-punk par une réappropriation de l’héritage cold-wave, Eagulls a replacé l’émotion au cœur de ses chansons. Le son de guitares et la production doivent beaucoup aux « early » The Cure ou The Sisters Of Mercy (les Saints-Patrons de Leeds) et le chant de George Mitchell n’est pas sans évoquer le meilleur de Ian McCulloch (Echo & The Bunnymen) – autant dire qu’on tient là l’un des meilleurs chanteurs de sa génération. Il suffira d’écouter l’héroïque Velvet et la ligne basse martelée de Psalms pour rajeunir de … trente ans. Mais Eagulls réussit là où tant d’autres se sont cassés les dents en claquant des compositions sur lesquelles les modes n’ont que peu de prises. Peu importe que les gimmicks et astuces de production puissent être identifiés et catalogués, ces chansons prennent aux tripes parce qu’Eagulls s’affranchit de la simple posture – et ridiculise Foals au passage. Ils font même une démonstration aux petits surdoués Fufanu sur le single Skipping. Euphoria, avec sa ligne de guitare réveille le fantôme (terni) de The Church puis le pernicieux My Life In Rewind, dont la boucle mélodique montée à l’envers, ouvrent un album dont la puissance subversive se découvre au fil des écoutes. On s’entiche alors de Blume qui incarne toute la morgue britannique et même si l’écorché Lemontrees doit beaucoup à Pornography, tout comme Aisles, on s’en enivre jusqu’à abandonner toute raison.

Ce n’est donc pas en bandant les muscles ni en rabâchant ses leçons qu’Eagulls peut prétendre à passer à la postérité : c’est en se livrant avec une sincérité intouchable qui les affuble de la classe des plus grands.

Tracklist
01. Heads Or Tails
02. Euphoria
03. My Life In Rewind
04. Harpstrings
05. Velvet
06. Psalms
07. Blume
08. Skipping
09. Lemontrees
10. Aisles
11. White Lie Lullabies
Écouter Eagulls - Ullages

Liens
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