Clip du mois : Chris Conde, la voie Divine du hip-hop gay poursuit sa désintox

Chris CondeLorsqu’on avance généralement le poncif qui veut que le hip-hop ne soit pas le plus gay friendly des genres musicaux, cela ne renvoie pas nécessairement au jugement que porteraient les rappeurs, virils, européens ou américains, envers des gays à l’apparence banalisée ou habillés avec retenue. Alors imaginez qu’on parle maintenant d’un gay de 180 kilos, barbu, alcoolique et jusqu’à il y a quelques années accroc aux drogues dures. Un gay qui passe une partie de son temps sur scène à se travestir et à se maquiller comme une meneuse de revue, un gay ou queer de carnaval ou de théâtre Nô aussi discret que l’incroyable et imposant rappeur Chris Conde ?

Personne n’aurait pensé à lui ou à ça « comme ils disent » mais Chris Conde est en passe de sortir son premier album et celui-ci pourrait bien faire date tant il transpire le talent, l’inspiration et s’appuie sur une structure hip-hop classique incisive et passionnante. Son morceau Dividing Lines, tiré de son premier LP, Growing Up Gay, est une tuerie et une excellente introduction aux thématiques sombres mais en même temps et paradoxalement pleines d’espoir du bonhomme. Car le parcours de Chris Conde n’est évidemment pas simple. Le gaillard est né et vit toujours au Texas qui n’est (euphémisme) pas le plus tolérant des Etats américains. C’est là qu’il a peu à peu donné vie à son personnage mais là aussi qu’il a trinqué, en tant que jeune queer en voie d’affirmation. De difficultés en malaises, Conde a plongé dans la came et l’alcool et raconte sur cet album comment ses « tares » sociales se sont nourries les unes les autres avant de se neutraliser et d’être dépassées par son propre tempérament résilient.

Chris a neutralisé sa culpabilité sexuelle en se déguisant et en s’affichant de manière outrancière comme un travesti ou un queer. Il s’est peu à peu détourné des drogues au fur et à mesure qu’il racontait l’émancipation de son personnage. Mais bien plus que cette histoire là, c’est son goût pour le hip hop qui lui a permis de s’élever au delà de la mêlée et de tenir bon. Le clip de Dividing Lines et la chanson elle-même constituent une parfaite introduction à cet univers interlope et passionnant. Le morceau fait passer Chris Conde d’une balade nocturne en voiture sur un strip de paumés et de camés au sommet d’un toit où il se met littéralement à nu. La métaphore n’est pas difficile à lire : c’est le trajet mental et musical qu’a vécu l’auteur dont la démarche musicale déborde assez largement du hip-hop pour taquiner la musique expérimentale et indépendante.

Chris Conde a des allures de Divine contemporaine, aussi excessif et touchant que l’égérie de John Waters, aussi tordue et attendrissante que cette créature artiste souffrante et trop humaine dont on ne percevait pas grand chose par delà les incarnations. On reviendra probablement sur Growing Up Gay prochainement, mais cela n’empêche pas d’y prêter une oreille d’ici. Chris Conde a réussi son pari. On l’écoute enfin.

photo : promotion Atypeek Music

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2 Comments

    1. Tout à fait. Difficile de ne pas communiquer sur le côté gay, gros, alcoolo, toxico car Chris Conde le fait lui-même ouvertement, sans doute pour se distinguer de la masse des rappeurs. Mais sa voix, la variété de ses registres en font un rappeur tout à fait original. Je n’en dis pas trop car la critique de l’album arrive très vite.

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