[Clip] – Vie ma vie de Disco Boy avec Vitalic

Vitalic - Disco BoyC’est toujours une joie de voir un DJ et producteur comme Vitalic accéder au statut de compositeur de films. Les tentatives précédentes ne se sont pas toujours faites sans douleur (Daft Punk pour Tron : L’héritage, M83 avec Oblivion, etc.) mais cela progresse, comme en témoigne Flavien Berger dans l’excellent Tout le monde aime Jeanne ou Scratch Massive, encore mieux quand cela touche aux documentaires, plus libres en conditions. Et nous ne parlons pas d’un unique morceau fait à l’occasion de la sortie d’un film, mais bien d’une bande-son complète. Rone ou Tom Holkenborg (alias Junkie XL) restent d’excellents exemples pour ne plus rien craindre d’un frotteur de platines.

Donc voici Disco Boy, la pièce étendard du nouveau film éponyme de Giacomo Abbruzzese, qui, si l’on se fie à l’affiche, a remporté l’Ours d’argent de la meilleure contribution artistique au festival de Berlin. Épargne des coûts oblige, le clip, monté par Abbruzzese même, profite d’images empruntées du film. On y voit son acteur principal à la fois pénétrer un club et se faire avaler par la jungle. Les deux mouvements se superposent, et offrent quelques images bellement léchées, sans pour autant s’empêcher d’éviter les tropismes vus et revus du bon sauvage et de l’érotisme muet du corps militaire. Les images sont superbes, mais sont celles qu’on soupe depuis plus de dix ans, époque néon-instagramée lancée par l’Enter The Void de Gaspar Noé et le Drive de Nicolas Winding Refn. Disco Boy, le morceau de Pascal Arbez-Nicolas cette fois-ci, se veut picotant, stridulant comme un radiateur. Comme de nombreux prédécesseurs l’ayant cité plus explicitement, le morceau semble marauder quelques mouvements du célèbre thème d’Orange Mécanique par Wendy Carlos, lui même rhabillant La neuvième symphonie de Beethoven. C’est souvent une affaire de poupée gigogne, la musique.

Le morceau manque d’un peu de tranchant, trop vite conclusif, c’est pourquoi nous préférons nous attarder sur son single Sexy Beast avec I Hate Models, sorti un jour après, et qui lui, est un sacré bon morceau. À l’écoute du morceau, on croit d’abord entendre la voix du canadien Tiga, tout du moins nous croirions être dans l’univers froid et métallique de son label Turbo. Puis c’est le duo Handbreakes qu’on est persuadé d’écouter à la première salve, tant on croirait reconnaitre le grésillement électronique de Mr. Oizo ainsi que le rythme bien calibré de Boys Noize. On devine que la structure alambiquée – mais parfaitement symétrique – est due au mystérieux I Hate Models, connu pour sa capacité à télescoper certains sous-genre. Contrairement à la majorité des morceaux de techno reprenant toujours le même « couloir dansant », celui-ci se voit doter d’un « cœur de ténèbre » à faire pâlir Jay Lumen, avec ces croassements d’insectes. La dimension « musique d’entrepôts » (warehouse) prédomine et vient sans aucun doute de I Hate Models, mais contrairement à la frénésie excessivement juvénile des morceaux solo de ce-dernier, celle-ci se voit jugulée par la maturité de Vitalic et son sens de la mesure, faisant de ce morceau le meilleur morceau du répertoire, pour l’instant restreint, du jeune I Hate Models.

On a l’impression de contempler la gorge d’un volcan noir et éteint, d’y apercevoir des nuées de bras aux parois nous hélant et, au fond, une énorme pupille de feu. Ce n’est plus nous qui regardons les limbes, ce sont elles qui nous regardent. Peut-être par snobisme ou manque de recul – nous penchons pour le premier -, personne n’a encore loué la capacité de la techno, ou de tout autre musique électronique dansante, à préfigurer l’angoisse, l’horreur. Le morceau prend place dans un EP du label français de techno RAW avec d’autres artistes. Nos nuits sont entre de bonnes mains.

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