Nouvelle Vague / Should I Stay Or Should I Go?
[Kwaidan Records / [PIAS]]

7 Note de l'auteur
7

Nouvelle Vague - Should I Stay Or Should I Go?Inutile de se raconter des histoires : sans le décès prématuré d’Olivier Libaux en 2021, sans doute aurions-nous réservé à ce nouveau disque de Nouvelle Vague le même traitement que les précédents : une indifférence polie. Le projet n’a rien de gênant en soi mais le sentiment d’en avoir fait le tour à la fin du second album (dès celle du premier même pour beaucoup) est longtemps resté prégnant, au point d’avoir à peine effleuré la version française de 2010, Couleurs Sur Paris, complétement ignoré l’avant dernier effort de 2016, I Could Be Happy (Altered Images pourtant….) qui n’hésitait pas à faire avancer le concept en proposant pour la première fois quatre compositions originales ou même la version cinématographique de Marc Collin en solo sous le nom d’Hollywood Mon Amour en 2008. Seulement voilà, un étrange mélange de respect pour le défunt et de curiosité nous ont mis sur les traces de ce nouvel album au titre on ne peut plus explicite : Should I Stay Or Should I Go ? comme si Marc Collin prenait ses fans à témoins, un peu à la façon de cette ancestrale émission radio de RTL, Stop ou Encore ?

Pour l’aider à répondre à la question, sans doute faut-il en quelques mots remonter le fil de l’aventure : 2004, Marc Collin et Olivier Libaux, à leur façon précurseurs d’un véritable renouveau de la pop française, pré-french touch avec Indurain et Ollano pour le premier, Les Objets pour le second s’associent dans l’optique d’un drôle de projet : new wave = bossa nova = nouvelle vague. Il s’agira donc de reprendre des standards new wave et post-punk comme on dit maintenant avec un brin de prétention pour séparer le bon grain artistiquement intègre de l’ivraie trop commerciale sur un mode bossa d’une éclatante coolitude, contraste revendiqué entre les musiques d’Albion la grise remises à la mode de Rio l’ensoleillée, les corbeaux à la plage, Ian Curtis, Robert Smith et Andrew Eldritch se tirant la bourre au beach volley. Sympa, bien vu, bien tenté et plutôt réussi : l’entreprise joue à fond sur l’effet madeleine tout en proposant une relecture assez pertinente de classiques XXL mais aussi de petites perles d’un répertoire plus pointu. Bande à Part 2 ans plus tard bande déjà un peu mou mais la recette fonctionne encore à peu près et surtout, l’effet madeleine se mondialise et conforte le succès véritablement planétaire du premier ; il sera dès lors difficile de s’en détacher.

Quoi de neuf alors aujourd’hui, à part la peine immense d’avoir perdu un ami pour les membres du groupe et un grand musicien français pour l’ensemble du public ? A première vue, rien. Nouvelle Vague continue de s’attaquer aux poids lourds des années 1970/80 et à leurs standards, non des moindre : People Are People, Shout, This Charming Man, You Spin Me Round ou bien entendu le titre-phare Should I Stay Or Should I Go ? Marc Collin et sa troupe n’avaient a-priori pas l’intention de changer leur fusil d’épaule, complétant, comme auparavant, ce tracklisting de compilation bon marché drapée de l’Union Jack de quelques morceaux moins connus témoignant d’une excellente maitrise de toute cette période foisonnante. Pourtant, il est évident que Marc Collin n’aurait nullement eu besoin de quiconque pour mettre un terme au projet sans son double et que la question qu’il pose est avant tout rhétorique, entendant bien prouver que oui, Nouvelle Vague a encore toute sa place dans le paysage musical actuel et pas seulement pour le tiroir-caisse.

Bien entendu, l’ambiance demeure tout au long du disque au lounge à drinks et la bonne société aseptisée est de nouveau conviée à s’acoquiner au son des douces voix collaboratives des nouvelles venues Alonya, Marine Quéméré, Phoebe Turner ou Bijou mais aussi des habituées Mélanie Pain et Elodie Frégé. Seulement voilà, après une mise en route entendue qui laisse planer le doute sur la pertinence de la suite, Nouvelle Vague nous entraine dans des ambiances toutes autres et le moins que l’on puisse dire, c’est que le soleil semble bien se voiler un peu, offrant des paysages musicaux plus variés qu’à l’accoutumée, moins cloisonnés aussi. L’influence des atmosphères cinématographiques est omniprésente, notamment lorsque People Are People prend des airs de BO de film noir ou que le sombre et léthargique She’s In Parties de Bauhaus ou Breakfast de The Associates semblent étonnamment tout droit sortis d’un bon vieux James Bond. Tandis que le Only You de Yazoo revêt ses plus beaux atours yéyé, Rapture de Blondie s’échappe d’un album d’Air pendant qu’un You Spin Me Round de nouveau grand-guignolesque façon cabaret semble n’avoir jamais aussi bien collé à la personnalité de Pete Burns. Comment ne pas saluer aussi le bel exercice de style sur un Look Of Love dont les ambiances langoureuses de l’éponyme tube de Dusty Springfield habillent la mélodie et les paroles de cet impeccable hit des garçons coiffeurs d’ABC.

Pourtant, si Nouvelle Vague semble décidé à prendre un peu de recul avec une image trop restrictive, il n’en demeure pas moins profondément attaché aux sonorités d’origine exotique comme en témoignent les relectures audacieuses d’un Shout tout en reggae cuivré ou du Girls On Film d’un Duran Duran qui aurait troqué la froideur de Birmingham pour la vie cosmopolite et chaleureuse de Brixton où Should I Stay Or Should I Go? finalement lui pas si éloigné que ça de ses racines brille de tout son dub caribéen. Au bout du compte, elles ne sont que trois à revêtir les habits originels du projet et parmi elles, l’intouchable This Charming Man, mille fois recopiée, jamais égalée même si on est ici forcé de reconnaitre que cette version pleine d’une étonnante fraicheur n’aurait en rien dépareillée sur les premiers albums du groupe. Comme si la rareté et l’intelligence de la parcimonie avaient réussi leur œuvre.

Alors Nouvelle Vague doit-il partir ou continuer, rester ou s’arrêter ? Honnêtement, Marc Collin et sa bande ne dérangent personne et tant mieux pour celles et ceux qui tomberont en pâmoison devant ce nouvel exercice de style auquel on peut reconnaitre, outre un aspect formellement impeccable, une certaine capacité de renouvellement qui en fait de prime abord une jolie surprise. La question de l’inscription dans le temps est toute autre et comme tout exercice de style, en particulier lorsqu’il s’agit de reprises, fausse iconoclastie finalement très révérencieuse et nostalgie du bon vieux temps où on savait faire des tubes se disputent les faveurs d’un public pour la plupart conquis d’avance. On se contentera donc de profiter d’un agréable instant présent pour mieux se tourner ensuite vers des contemporains avançant pour leur part d’un pas sans doute plus décidé.

Tracklist
01. What I Like Most About You Is Your Girlfriend (The Specials AKA)
02. People Are People (Depeche Mode)
03. You Spin Me Round (Dead Or Alive)
04. Only You (Yazoo)
05. She’s In Parties (Bauhaus)
06. The Look Of Love (ABC)
07. Shout (Tears For Fears)
08. Should I Stay Or Should I Go? (The Clash)
09. Rebel Yell (Billy Idol)
10. Breakfast (The Associates)
11. Girls On Film (Duran Duran)
12. Rapture (Blondie)
13. This Charming Man (The Smiths)
Nouvelle Vague - Should I Stay Or Should I Go?

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1 Comments

  1. says: Li-An

    C’est étonnant, alors que j’ai beaucoup d’intérêt pour les reprises, je ne me suis jamais penché vraiment sur ces albums – peut-être sortis à une époque où j’étais encore snob. Pourtant ça revisite une partie de ma jeunesse. Ce nouvel opus est l’occasion de voir vraiment ce que ça valait/vaut.

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