Disque de mort ou disque de vie ? Ce best-of annoncé et attendu depuis plusieurs mois prend, par la force des choses, la mort fraîche et saignante de Jean-Louis Murat, des allures de premier mausolée, en attendant le (vrai) cercueil qui descend au trou et l‘encoffrement qui viendra sûrement pour un Noël prochain.
Écrire sur ce best-of dont on connaît chaque pièce quasi par cœur, comme si on venait honorer le cadavre encore chaud et allongé sur une table moussue, est tout de même une sensation étrange : impossible de faire comme si ces chansons étaient susceptibles de rugir à nouveau en plein air, impossible de faire comme si elles n’avaient pas été figées ici instantanément, gravées en vinyle et cd, pour l’éternité. Tous les Murat sont morts hier mais ils sont aussi réunis pour une gigue de près de trois heures dans l’édition Deluxe (40 titres). Banquet auvergnat ou irlandais. Le lit de mort du Cúchulainn français fait sonner les cornes, couler la bière, pleurer la lande. Murat bande encore. Murat y est.
Ils accourent de partout : le Murat beau gosse, le Murat séducteur et romantique, Murat l’Américain, Murat folk, Murat rock, Murat colère, Murat politique, Murat poète, Murat aventurier gamin qui lit Twain, Murat montagnard, Murat voyageur, Murat homme à femmes, Murat peintre, Murat minimaliste, Murat psychologue, Murat Alpiniste, Muranimal. Ils descendent des monts et ouvrent les troupeaux de moutons. Murat charmeur. Murat qui en fait trop. Murat voix brisée. Murat qui roucoule. Murat cabotin. Murat muet. Murat Kami. Le grand défilé des Murat que voulez-vous faire n’a rien d’un spectacle crépusculaire. Au contraire, il bout et bouillonne, il pétille, il jubile, il se marre, il ronchonne. Ils sont tous là. La tracklist est habile, bien fichue. Il en manque. Il y en a en trop aussi. Mais c’est quand même bien fait et même un peu « complet » et on espère pour de vrai qu’il va s’en vendre des millions en deux jours et que cette orgie de disques et de sons, de pépettes, de rimes et de vers, cette débauche d’euros répandus dans les supermarchés (à parts égales avec Tina « simply the best » Turner hé hé, ) servira de bûcher viking à un artiste qui n’avait pas été glorifié depuis dix ou vingt ans.
Qui avait à faire de Murat dans le beau monde ? Qui y allait encore ? Autour des Murat, les fidèles. Ils ne sont pas snobs le moins du monde et s’écoutaient encore hier la compilation AuRA aime Murat en douce. Formez le cercle puis fermez le pour capturer l’esprit malin à l’intérieur. Murat is dead mais encore tiède. On pourrait dire pourquoi on préfère Fort Alamo mais pourquoi on finit par coller juste en dessous les paroles de Je Me Souviens :
Je me souviens d’une terre brûlée alentourD’une vallée de larmes où chacun cherchait l’amour Je me souviens des frémissements les plus légers Je me souviens En demi conscience, j’allais au fond des ténèbres Sous ta robe blanche la nuit est surnaturelle Je me souviens d’une voile tendue au fond de la nuit Je me souviens Je me souviens de demandes dans l’univers Je me souviens de l’appel de la lumière D’une dame en noire qui gifle le loup des mers Je me souviens Je me souviens par la bride dans l’obscurité Je me souviens de l’altitude où j’me trouvais Je me souviens boire, boire dans un même ruisseau Je me souviens Je me souviens d’un assassin dans la montagne Une digue, un pont, la bataille de Wagram D’une milanaise et d’un qui vient à mourir Je me souviens Je me souviens de matins passés hors de France Je me souviens du regard des gens de Florence Je me souviens de savantes mains de bourreau Je me souviens Je me souviens que le cœur frémit d’amour Que l’amour s’en va si orgueil avec amour Je me souviens qu’on me déshabilla la nuit Je me souviens Je me souviens du parfait vassal que j’étais Pensant à voix basse « pourquoi veut-elle me tuer? » Je me souviens comme agité de tremblements Je me souviens Je me souviens que le père venait de mourir D’une armée anglaise piétinant mes souvenirs Je me souviens de Murat aux portes de Naples Je me souviens Je me souviens Je me souviens, je me souviens, je me souviens Je me souviens, je me souviens, je me souviens Je me souviens, je me souviens, je me souviens Je me souviens, je me souviens, je me souviens
Tous les Murat, passés, futurs, historiques et sans histoires, entre Clermont et Naples. Tous les Murat sont là. On ne commentera rien du tout, mais on va noter l’objet comme on le fait tout le temps. Pas question de monter la statue et de se laisser corrompre par l’émotion. Il y a des tas de Murat qu’on aime pas et des albums qu’on s’est juré de ne plus réécouter tellement on les trouvait ratés. Murat est frustrant. Brillamment inégal. Ce n’est pas l’artiste du siècle et il y en a d’autres qu’on préfère. Des Murat gonflants et des Murat nuls musicalement, il y en a. Affaire de goût. Ses textes sont rarement médiocres. Tous là mais on en retient quoi ? Cinq, dix, quinze. C’est immense et gigantesque, rikiki, 20 titres, 30, 3 ou 4. Pas mal pour un plouc.
Murat aura commencé tard et fini tôt. Mais ça aura été bien.
02. Si je m’attendais
03. Au Mont Sans Souci
04. L’ange déchu
05. Si je devais manquer de toi
06. Ce que tu désires
07. Au dedans de moi
08. Jim l’héritier des Flynn
09. Over and over
10. Je me souviens
11. Tarn et Garonne
12. Blues du Cygne
13. Le train bleu
14. Fort Alamo
15. J’ai fréquenté la beauté
16. Cours dire aux hommes faibles
17. Regrets
18. L’au delà
19. Rester dans le monde
20. Vendre les prés
21. L’arc en ciel
22. Mashpotétisés
23. Le cri du papillon
24. Le lien défait
25. Johnny Frenchman
26. Mûrat
27. Taormina
28. Il neige
29. Suicidez vous le peuple est mort
30. Frankie
31. L’amour et les Etats-Unis
32. Les jours du jaguar
33. Nu dans la crevasse
34. Te garder près de moi
35. Sentiment nouveau
36. Hold Up
37. Tout est Dit
38. Elle était venue de Californie
39. Qu’est-ce que ça veut dire
40. Col de la Croix Morand