The Toxic Avenger / Inframonde
[Enchanté Records]

8 Note de l'auteur
8

The Toxic Avenger - InframondeHalloween arrive ; quoi de mieux que de goûter à quelques albums s’en rapprochant par l’ambiance ? À vrai dire, on n’a même pas forcé le rapprochement : The Toxic Avenger évoque autant la série de films d’horreur signée Troma que l’alias familier du DJ producteur d’électro français Simon Delacroix, que l’on suit depuis quinze ans. Ce dernier a émergé en même temps qu’une nouvelle vague — celle qui voulait s’extraire de la French Touch 2.0 tout en l’assimilant — aux côtés d’artistes comme Tepr, M83 ou Rone, une génération davantage tournée vers un son pulsé et dansant que vers la disco filtrée ; moins parisienne, plus cosmopolite, et où le cinéma n’a jamais été bien loin. Simon a continué son petit bout de chemin avec pas mal d’albums et d’EP studio, multipliant les casquettes avec son label co-fondé (Enchanté Records), composant parfois pour le jeu vidéo et le cinéma. Et si ce n’est pas l’horreur qu’on touchera aujourd’hui, c’est un tout autre mauvais genre qu’il aborde avec la science-fiction. Inframonde se veut la bande-son d’une BD de SF concomitante, Silent Jenny de Mathieu Bablet, pouvant s’écouter de manière toute aussi indépendante, comme l’indique son nom.

Le tour d’inframonde en onze pistes

C’est donc sans passer par la case bande-dessinée qu’on se lance Inframonde, rappelant ainsi par Fragments le projet Amasia, qui touchait aussi au neuvième art. On se rêve mi-homme mi-cyborg. On vient de perdre notre bras bionique, et notre pression cybervasculaire est mauvaise, mais grâce aux Microïdes, on reprend pied, s’acclimatant à cet univers calciné. Les pistes prennent le temps de s’étaler, The Toxic Avenger installant avec la plus grande facilité une atmosphère qui nous happe.

On lutte, dépenaillé mais avec la conviction du prophète en son apocalypse. Le monde de la fin est plus proche encore de celui des commencements. Simon ne réinvente pas l’eau chaude, mais il connaît ses classiques. On pense aussi bien à Jean-Michel Jarre qu’au krautrock de Tangerine Dream et à Bernard Fèvre ; un peu plus tard, Les Pénitents ont ce petit côté moroderien intergalactique. Arrivé à la rue Le Cherche Midi, quelques goules obèses, avec pustules et allure lancinante, rencontrent notre viseur. Une d’elles ressemble étrangement à une éditrice nous ayant refusé un manuscrit, dans une autre vie. Bref, ça blaste fort, et on pense à une variante légèrement empreinte d’espoir victorieux du morceau iconique de John Murphy pour 28 Days Later. On gravit la steppe impassible, et nos cailloux sont ici vos crânes, des crânes en montagnes. Inframonde vise l’efficacité, allant à l’os de l’émotion.

Subbassement sonore

On fait une escale à La Tour sans fin pour chercher une orbe. L’endroit semble désert. Soudain, une musique survient, puis un souvenir remonte ; deux synonymes pour dire les fantômes d’Avant. Heureusement, on garde en mémoire nos errances dans Fallout ; on est passé à la bonne école. Et alors qu’on craignait un manque de dynamisme au sein du premier tiers du disque, avec des pistes s’étendant longuement, des mutations internes arrivent, comme chez Woodkid, appréciable à l’heure de la musique adaptative. Il suffit d’un Interlude administratif et imaginatif pour revenir à l’époque (lointaine, très lointaine !) de l’Atari et des premiers PC. La technologie a mécaniquement vieilli ; par ses sibilations, la machine raconte sa plainte. La musique de TTA est fraîche et soignée. On aimerait tellement voir son travail plus reconnu encore, en charge de projets d’ampleur similaire à Marx Express ou de l’habillage d’un roman d‘Alain Damasio, sans négliger de plus modestes et expérimentaux, comme le jeu Cairn à venir.

Mais plus encore que la diversité interne à chaque piste, c’est l’équilibre de l’album qui surprend. The Toxic Avenger n’oublie pas son bagage club. À l’abord d’une Station météo abandonnée, il fait étonnamment Grand Soleil, et qui dit grand soleil dit forcément pointe de Daft Punk dans l’air. La seconde moitié de l’album, plus rythmée, sort plus encore de l’étau traditionnel de la bande-original, tranchant avec une première partie plutôt déambulatoire. Sur Apis Bruoc Sella, ça sent la bataille et la fureur, et face aux lasers des pirates de l’air, on se serre les coudes à coups de hardstyle cinématographique. À la toute fin, c’est à Eric Serra qu’on pense, et on ne sait plus si on doit cavaler pour notre vie ou danser sous un ballet de Molécule, ramené à l’infiniment petit. Et c’est trop ecsta ! Arrivé victorieux à la fin de notre odyssée, on suit le Mouvement Perpétuel et éthéré des infusoirs sur une flaque dormante. Le Grand Bleu n’est plus, nous sommes face à une grande mare ; elle n’est pas à boire non plus. Inframonde réussit à nous donner l’envie monstre de retrouver le rayon BD de notre bibliothèque d’enfance, et de replonger, au gré d’une pochette engageante, au fond d’un tendre pouf. De trembler de feu et d’effroi, avec délice.

Tracklist
01. Microïdes
02. Le Cherche Midi
03. La Tour sans fin
04. Bain d’acide au petit matin
05. Calcification
06. Les Pénitents
07. Interlude administratif
08. Station météo abandonnée
09. Apis Bruoc Sella
10. 10-14
11. Mouvement perpétuel
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