Schøøl / I Think My Life Has Been OK
[Géographie / Modulor]

7.5 Note de l'auteur
7.5

Schøøl - I Think My Life Has Been OKOn en sortira donc jamais ! Entre un été marqué par les 30 ans de la fin de Sarah records, la fin des rééditions des quatre albums d’Heavenly, de celle du magnifique Understand de Brian et les retours des vieux de la vieilles un peu usés (Stereolab) ou plutôt fringants (Prolapse), c’est peu de dire que ces dernières semaines auront été une grande et belle immersion dans ces chères années 1990 mais qu’il serait quand même grand temps de passer à autre chose, retrouver de bons disques estampillés 2025 signés de groupes qui tracent leur chemin, ou l’entament. C’est pourtant bien le cas de Schøøl qui sort son premier album I Think My Life Has Been OK sur le toujours épatant label francilien Géographie, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que ces jeunes gens sont tombés, certainement lors de l’une de ces urbex palpitantes, sur le hangar qui cachait la mystérieuse machine des Voyageurs de l’Histoire en parfait état de marche, direction 1992. Au pilotage Francis Mallari, sombre chanteur du très post-punk groupe parisien Rendez-Vous, qui, à l’occasion d’une tournée européenne avec les excellents Marble Arch en 2014, propose à leur batteur Alex Battez de monter un groupe. Il faudra attendre 10 ans, l’arrivée du guitariste australien Jack Moase (Liquid Face) puis de la franco-américaine Erica Ashleson dont on aime tant suivre ici les aventures chez Dog Park, Special Friend ou Eggs pour voir le projet se concrétiser.

Tout ou presque, dans la musique, la posture, les moyens utilisés pour assurer la promotion du groupe renvoie à ces années 90 il faut bien le dire, en matière de musique et notamment de rock indé, assez franchement excitantes pour celles et ceux qui les ont vécues qu’il n’y a rien de surprenant à ce que les plus jeunes générations adorent y faire référence voire s’en inspirent carrément. C’est donc le cas de Schøøl, groupe de toute évidence monté pour assouvir cette passion des sons de ces années-là même si, on le comprend dans leur parcours, les membres du groupe n’en font pas non plus une fixation personnelle. Tant mieux : on a toujours préféré ces lignes directrices bien claires plutôt que ces albums fourre-tout sans queue ni tête ressemblant plus à des compilations sans trop de cohérence. Va donc pour le (court) voyage dans le temps.

Formellement, rien à dire. Expérimentés, les membres de Schøøl maitrisent leur sujet et ont tous en guise de bible posée sur le chevet le Manchester Music City de John Robb. S’ils ne sont pas encore suffisamment rock stars pour se permettre toutes sortes de frasques, Francis Mallari se joue des codes du frontman sur les vidéos du groupe ou par sa voix maniérée, lascive et détachée, marqueur du petit branleur génial, à bob en général, qui regarde tout cela un peu de haut, en mode « dans mon quartier, c’était le foot, la délinquance ou le rock ». Pour enfoncer le clou, le groupe livre en guise de courte intro un Schøøl Suxx à la fois très auto-dépréciatif, symptomatique de cette Angleterre post-industrielle mais aussi à prendre au pied de la lettre alors que la sonnerie de 8h lance l’album et que retentissent à intervalle régulier quelques madeleines tout droit sorties des cours d’anglais.

Seulement voilà, N.S.M.L.Y.D, le tout premier single canon sorti il y a un peu plus d’un an et que l’on retrouve comme un marqueur fort en tout début de disque avec son gimmick entêtant et enjoué traçait une route de laquelle Schøøl va finalement assez vite s’éloigner sur l’ensemble de l’album. Si Gardener ou l’impeccable mur du son Chevalier B en conclusion reprennent tous les codes de la noisy anglaise, à commencer par les longs trémolos lancinant de My Bloody Valentine ou la tension inhérente aux disques de The Jesus And Mary Chain, c’est plutôt de l’autre côté de l’Atlantique que nous mène le reste de l’album. On l’oublie parfois mais la scène US du début des années 1990 a aussi produit ses petites références, mêlant à son tour effets de guitares et mélodies gracieuses mais en y ajoutant aussi un cachet issu du punk rock. On pense bien entendu à toute la scène de Boston autour de Drop Nineteens ou des Swirlies mais aussi aux grands-frères que furent et sont toujours Pavement ou Yo La Tengo. C’est finalement plus sur ces traces là que nous emporte I Think My Life Has Been OK, entre rythmique bien tanquée et une certaine esthétique lo-fi assumant son côté bancal, équilibre fragile du skate lancé sur la rampe.

On se laisse donc emporter par ces ambiances bien plus plombées jouant sur ces contrastes entre une électricité sans fioritures mais relevée par des mélodies de voix efficaces et quelques incursions de claviers aériens qui allègent et équilibrent l’ensemble (OK <3, Missed Call). Quand The End prend des atours carrément college rock avec son refrain à gros sabots, c’est pour mieux faire écho au dépouillé Mouzer’s Quest sur lequel Francis Mallari, armé d’une simple guitare acoustique, parvient à propulser le morceau vers l’excellence, rappelant qu’il suffit parfois de vraiment pas grand-chose pour parvenir à ses fins. Mais c’est sans doute la reprise-hommage au compositeur Cyril Bihan de Splash Wave parti bien trop tôt, Passing Breeze qui retient le plus l’attention, arpentant les terres jadis empruntées par les doux dingues de New Bad Things, le groupe de Portland auteur d’une solide discographie condensée de 1993 à 1997 : avec son esprit lo-fi, ses incursions électro venant balafrer la mélodie que tente de sauver une ligne de synthé rachitique mais enivrante, Schøøl renvoie aussi au caractère un tant soit peu aventureux que savaient également prendre les groupes de cette époque.

Drôle d’impression au fond de se retrouver propulsé de cette façon trente ans en arrière ; ça n’est quand même pas de notre faute si on a vécu l’époque. Le souvenir est bon et on se réjouit qu’I Think My Life Has Been OK rende d’aussi chouette façon hommage à une partie de la discographie des années 1990, au point de s’y replonger avec délice… et de se rendre compte que l’élève peine à dépasser les maitres. Rien d’anormal d’une certaine façon, c’est même au fond assez commun mais on regrettera quand même au final que Schøøl se soit montré un peu trop scolaire, recopiant au propre sur ses cahiers les leçons de rock indé. Sans doute les aurait-on préférés plus adeptes de l’école buissonnière.

Tracklist
01. Schøøl Suxx
02. N.S.M.L.Y.D
03. OK <3
04. Missed Call
05. 3467200
06. Mouzer’s Quest
07. Gardener
08. Passing Breeze
09. The End
10. Chevalier B
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