Swell Maps C21 / Polar Regions
[Glass Modern]

9 Note de l'auteur
9

Swell Maps C21 - Polar RegionsIl n’aura échappé à personne que les Swell Maps, pour cause de… séparation (il y a 43 ans) et de mort (Nikki Sudden en 2006, Epic Soundtracks son frère en 1997), n’existent plus depuis longtemps. Cela n’a jamais empêché leurs deux albums (A Trip To Marineville et Jane From Occupied Europe) d’être écoutés et d’inspirer tout ce que la terre a jamais compté d’artistes post punk et héros alternatifs. Jowe Head, qui comme les deux autres membres fondateurs, a poursuivi par la suite une belle carrière solo et qui est toujours bien en vie, a entrepris depuis deux ou trois ans d’honorer l’œuvre de son ancien groupe et de la faire remonter sur scène.

Il a ainsi et notamment assemblé un groupe de vieux routiers anglais, augmenté ponctuellement d’invités VIP, pour rejouer les morceaux culte des Swell Maps et revisiter leur héritage. C’est ce dont rend compte ce CD incroyable, Polar Regions, capturé live au Café Oto à Londres lors de deux concerts donnés en décembre 2021. On a beau évoquer ici des titres qui datent pour certains de quasi un demi-siècle, il y a une qualité, une vivacité et une énergie dans les renditions live qui donnent à ce revival un caractère passionnant et presque aussi fort et pertinent que la découverte des enregistrements originaux.

Aux côtés de Jowe Head qui assure le chant (avec sa voix si particulière et que d’aucuns auront du mal à accepter) sur une bonne moitié des plages (alors qu’il chantait assez peu sur les titres originaux bien sûr), interviennent plusieurs musiciens et chanteurs particulièrement appréciés ici comme Luke Haines bien sûr, Gina Birch des Raincoats dont on saluait il y a peu le premier album solo, quelques musiciens de la galaxie Television Personalities (Jeff Bloom, Lee Mc Fadden), la pianiste tchèque Lucie Rejchrtova ou encore Jon Hodgson. La plupart des acteurs ont beau avoir assez largement dépassé la cinquantaine, il se dégage une vraie force de leurs interprétations de morceaux qui restituent parfaitement la grâce et la richesse d’écriture de Epic Soundtracks et Nikki Sudden.

Les deux frères cosignaient rarement quoi que ce soit mais s’appuyaient en revanche assez souvent sur la capacité de Jowe Head à structurer leurs idées punk, pop et poétiques. On éprouve ainsi une vraie joie à redécouvrir des titres aussi brillants que HS Art (Nikki Sudden), Read About Seymour (leur tube d’alors, Nikki Sudden également), Midget Submarines (Sudden toujours) ou le génial Jelly Babies (Epic). Avec un peu de pratique, comme chez les Beatles, on arrive assez facilement à distinguer qui écrit quoi et à choisir son auteur préféré. On a toujours pour notre part été sensible à la fragilité psychédélique d’un Epic Soundtracks qui signe durant la carrière du groupe les titres les plus Barrettiens et barrés du trio. Impossible toutefois de ne pas mesurer l’impact souvent supérieur des compositions d’un frère plus classique et tourné vers le rock punk à guitares. Jowe Head n’est pas en reste puisqu’on le retrouve à la composition et au chant sur le superbe Bronze and Baby Shoes ou le remarquable et indémodable Harmony In Your Bathroom. 

On a un petit faible pour la simplicité de cette dernière chanson et sur son texte assez fabuleux qui parle du temps passé par « our little one » sous la douche/dans le bain. C’est du très haut niveau, réaliste et abstrait à la fois, ralenti et profond comme un croisement entre le Pink Floyd et Joy Division.

Why’s our little one taking so long
In the shower tonight?
It might just have been something to do
With turning off the light
She said something about
Wanting to jump and shout
She gets a real charge
From the radio

International Rescue est un titre monstrueux et Luke Haines fait un travail épatant sur la relecture de Vertical Slum, chanson qu’il aurait tout aussi bien pu écrire lui-même et qu’il chante s’il avait une couille (ou deux) coincée dans la bouche. Il y a bien un petit côté rétro-chic ici, cette idée que ces types n’ont plus tout à fait l’âge pour jouer cette musique, mais on s’en détache très très vite pour savourer le moment et se remettre à hauteur de ces morceaux incroyables.

Ce Polar Regions ne porte pas si mal son titre. On a vraiment le sentiment que ces chansons étaient prises dans les glaces depuis des années et que les faire respirer à nouveau est une œuvre de salut public. On n’est pas certain que la sortie de ce disque suffise à amener beaucoup de monde à redécouvrir quels immenses artistes étaient les deux frères mais les plus aguerris et documentés n’auront aucun mal à resituer l’apport du groupe aux mouvements qui suivront. Pas un hasard du reste si c’est Thurston Moore qui signe les notes de pochette et rappelle l’importance que les deux disques originaux ont eu sur le rock d’Angleterre et d’Outre Atlantique.

Tracklist
01. Wireless
02. HS Art
03. Read About Seymour
04. Bronze and Baby Shoes
05. Let’s Build A Car
06. Don’t Throw Ashtrays
07. Midget Submarine
08. Cake Shop
09. Harmony in Your Bathroom
10. Big Empty Field / One More Night
11. Jelly Babies
12. Helicopter Spies / Raincoat’s Room
13. Ghost Train
14. She Sleeps Alone
15. International Rescue
16. Vertical Slum
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