Ekkstacy / Ekkstacy
[United Masters]

8.7 Note de l'auteur
8.7

Ekkstacy - BellaOn peut trouver que la voix est un peu trop trafiquée, que le son est trop propret et que les clichés tristes et gothiques s’enfilent ici comme des perles. On peut. On peut écarter Ekkstacy comme et pour ce qu’il est sûrement : LA hype indie rock du moment, un joli black canadien de 21 ans au cheveu blond, tatoué et qui se trimballe une histoire personnelle qui semble écrite par un auteur (suicide, drogue, etc) et donc cet album éponyme est déjà la troisième (si l’on compte un mini album en 2021). On peut dire que les choses ressemblent à des trucs qu’on a déjà écoutés par le passé : un peu Cure, un peu Wavves, un peu Vagina Lips etc. Avec une coloration « urbaine » (le gars s’est converti un peu rapidement au rock) qui permet de ratisser plus large. Sa manière de débouler rappelle, il y a bien longtemps, les débats qui se nouaient autour de Bloc Party. Il n’en est pas resté grand chose. des débats comme de Bloc Party, si ce n’est l’exaltation du monde, le frisson d’avoir connu ça en son temps, la vivacité, la fraîcheur véritable des primeurs de l’année. Tellement gnangnan : un produit marketing, taillé pour aller râcler l’EMO teen sur les réseaux et se payer des couvs dans les magazines de mode. On peut…

Mais on peut aussi considérer que si les musiques à guitare veulent survivre ou conquérir de nouveaux marchés qui ne seraient pas couverts que par des quinqua ventrus, survivants des années 80, un mec comme Ekkstacy représente une grande chance pour le genre. Le garçon a une chanson qui s’appelle Fuck, ça ne s’invente pas. On en est toujours là et ce n’est pas loin d’être la meilleure chanson du disque :

You’re fucking boring
I need to go
Sometimes I wonder
If you even know
That I hate myself too
Does it show?
He doesn’t want you
If he takes it slow
Killing myself to make a scene
Empty the whole magazine
You made it hard for me
Now you can watch me bleed

Fuck x 3
Yeah
Fuck x 4

On ne peut pas soutenir depuis des années que Nathan Williams est un p*** de génie fainéant et ne pas considérer que la plupart des chansons qui figurent sur ce troisième album d’Ekkstacy sont ultra-cools. Elles le sont. Elles sonnent bien. La production est caverneuse, étouffée, taillée au synthé comme du Martin Hannett. Ca donne du mystère et l’idée qu’Ekkstacy n’est pas de notre galaxie, de notre espace-temps. Il aurait pu apparaître à n’importe quel moment, être fabriqué par n’importe qui, même une p*** d’IA. Il y a des mélodies du tonnerre de dieu, une basse qui tabasse et des lignes de chant aussi miraculeuses (Chicago) qu’horripilantes. Ekkstacy dégage une impression de jmenfoutiste, de nonchalance et d’arrogance mêlés qui rendent assez peu crédible la tristesse et l’auto-apitoiement que ses textes véhiculent. Il chante comme s’il n’en avait rien à foutre d’être mort ou vivant, d’être délaissé et de ne devoir faire tout ça en public : aimer, se perdre, se lamenter.

Le disque démarre par une chanson dream pop pour les kids. Les paroles sont quasi nulles mais qui écoute encore les paroles ? Et puis l’amour est tout aussi nul et simple quand il s’éprouve pour la première fois.

We could get lost tonight
I couldn’t ask for
A better way to pass the time
But you’re not mine
And I think it’s better that way
I think it’s fine

Oui ou non. Luv of My Life est aussi bidon qu’un titre médiocre des Libertines, mais aussi bon aussi. Tik Punk. Il n’y a rien de pire ni de meilleur qu’une succession de titres qui ressemblent à l’application d’une formule. Comment ne pas se faire avoir ? Tok Punk. Ekkstacy fait du skate, et c’est exactement la musique qu’on écouterait si on avait 16 ans et qu’on allait baisouiller pour la première fois près du skatepark. En revenir à ce stade est probablement le fantasme de tout type de plus de 40 ans qui écoute encore ce genre de musique. Alors pourquoi ne pas y replonger à plein nez ? Ekkstacy est notre nouveau gourou jeuniste, mieux que les pilules ou les sermons transhumanistes de Laurent Alexandre. Alright donne envie de remuer et fait le boulot en 2 minutes et 9 secondes. Aucun single ne devrait durer plus longtemps. Goo Lagoon est tout aussi cool. 2 minutes 16 secondes. Shutting Me Out pompe la métrique/rythmique de Joy Division. She keep shutting me out. she keep shutting me out. Youpi !

Ce genre de musique qui ne cesse de pleurnicher est ce qui nous REND HEUREUX. Problems s’accompagne d’un balancement complice des épaules. On éclaire la pièce avec un briquet souriant. Pur sentimentalisme. La voix sonne parfois comme chez cet attrape-nigaud de King Krule, en retrait et plus belle qu’elle n’est. Il y a des effets de manche noisy rock qui sont dégoulinants de facilité (l’atroce The Headless Horseman Lost His Way) mais pour le reste : Ekkstacy est le meilleur produit d’époque qui vous rappellera qui vous étiez quand vous aviez quinze ans. Mal aimé, incompris, rebelle. C’était vous, c’était nous. Ce mec est de la même génération que vous et aussi des dix ou vingt qui ont suivi et suivront. Sa musique est éternellement nulle, défaite et triomphante. On l’aimera jusqu’au dernier jour. Si on était gosse, on se ferait tatouer des paroles ineptes de chansons sur les cuisses et les avant-bras. Des vers sans âge comme ceux de I Can’t Find Anyone, la dernière chanson du disque. Deux minutes et 24 secondes.

Replacements
I’m always wasted
Wish I was someone else (someone)
And I can’t find (can’t find)
A reason (reason)
To leave this house
I have none
I can’t find anyone, anyone

Ekkstacy est un disque sublime. On aurait trop la frousse d’aller voir le gaillard sur scène en mars. Il passe à Paris. Ekkstacy sera beau et pas nous. Il aura raison. C’est lui que Bella choisira désormais. Même si elle ne s’appelle pas comme ça. Même s’il ne connaît pas son nom.

Tracklist
01. I Dont Have One Of Those
02. Luv of My Life
03. I Guess We Made It This Far
04. Alright (feat Kid LAROI)
05. Goo Lagoon
06. Bella
07. Shutting Me Out
08. Problems (feat. Trippie Redd)
09. Get Me Out
10. Fuck
11. Chicago
12. The Headless Horseman Lost His way
13. I Can’t Find Anyone
Ecouter Ekkstacy - Ekkstacy

Liens

Lire aussi :
Wish i was dead d’Ekkstacy, le futur du rock gothique

Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

More from Benjamin Berton
Joe Meek’s Tea Chest Tapes : The I Hear A New World Session / The Heinz Sessions / The Telstar Story
[Cherry Red Records]
Cherry Red Records continue son formidable travail d’édition et de réédition des...
Lire la suite
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *