[Playlist] – In the Trip #12

Playlist - In the trip #12Passer la marche arrière et parcourir le chemin estival à rebours. Replonger dans l’engourdissement des moments écrasés par la chaleur qui annihile toute volonté d’avancer et pousse chacun à se claquemurer dans son for intérieur. Se remémorer la sensation de bien-être procurée par des fugues bucoliques sous un ciel maussade. Avec cette nouvelle sélection, avançons à pas feutrés dans le sous-bois bercé de sonorités boisées, passons par une clairière qui ressemble à une chambre domestique, furetons à la lisière.  Restons à l’ombre, à l’abri avant le retour à la frénésie quotidienne.

01 – Sydney Minsky Sargeant / Long Roads

Le premier album solo de Sidney Minsky Sargeant serait un bon sujet de discussion quant aux modalités de classement de sa discothèque. On pourrait en effet disserter sur le bienfondé d’un classement dans la suite des albums de son groupe Working Men’s Club (actuellement embarqué sur la tournée de LCD Soundsystem, comme une évidence) mais le propos en et très éloigné ; en appliquant une appréciation par typologie de musique et donc en le cantonnant à un registre folk boisé (sauf que son album, Lunga, s’annonce assez riche puisqu’il évolue au fil des épisodes de la vie de son auteur dans un ordre chronologique) ; ou bien par application stricte de l’ordre alphabétique (alors, à la lettre S ou SM ?). Ce qui devrait mettre tout le monde d’accord, c’est la qualité incroyable de ce second extrait, ode à l’espoir et au romantisme sincère, qui plus est agrémenté d’un somptueux vidéo-clip. Faut-il sourire de satisfaction ou laisser couler une larme de nostalgie quand, à 2mn48, la rythmique rentre comme on pousse la porte d’un bar de motards ? Ça vacille, ça étreint et on appuie sur replay.

02 – The Paper Kites / When The Lavender Blooms

Ceux-là sont devenus des stars à l’international, bien au-delà de leur Australie natale. The Paper Kites poursuit sa carrière avec la sincère conviction de vouloir faire fructifier l’héritage des aïeuls Fleetwood Mac ou de leurs proches descendants Fleet Foxes. Sans jamais déborder du cadre folk mélancolique / soft rock, le quintette fait partie de ces formations « middle of the road » que seul un petit supplément d’âme sauve de l’oubli. Aussi ils savent faire preuve d’humilité et de grâce pour aviver le feu éternel comme sur cet extrait de leur septième album.

03 – Tuxis Giant / Days

La belle découverte estivale, pour qui apprécie la pedal-steel et les mélodies chaloupées, a été enregistrée pendant la pandémie. Des mois après, c’est l’occasion de découvrir la musique de Tuxis Giants, qui, durant cette pause dont on mésestimait encore l’impact sur la suite du cours de notre vie, s’est réfugié dans l’univers des films d’animation de Hayao Miyazaki. Voilà qui explique aussi le parti pris pour la chouette vidéo. Au plan musical, on retiendra surtout que le quatrième album de l’Américain, You Won’t Remember This à paraitre via Worry Bead Records, s’inscrit dans la lignée des figures tutélaires que sont Bill Callahan ou de Will Oldham et ses Palace Brothers, jamais bien loin, voire même y perçoit-on une touche de The Sea & Cake.

4 – Bay Ledges / WILD_

L’histoire commence forcément dans une piaule d’adolescent dans un coin paumé des Etats-Unis. Zach Hurd y invente des histoires et bâtit des mélodies avec les moyens dont il dispose. Il se planque sous le patronyme Bay Ledges. Quand on lui demande de qualifier sa musique, il évoque un style figuratif : la « vapor soul ». C’est vrai que ce qualificatif colle plutôt bien à ce qu’on range par facilité et paresse dans la case « bedroom pop » aux contours particulièrement flous. En trafiquant sa voix, il s’inspire de Deerhunter, tandis que par son insouciante nostalgie, il navigue dans les mêmes eaux que Jaguar Sun. Au regard de cette somme de pas grand-chose, on peut s’étonner du succès viral de ses premières compositions sur les plateformes de streaming. Pour « chiller » à la maison, vous pouvez adopter les quatre nouvelles compositions réunies sur Cloud Archives Vol. 1.

05 – Doombird / Fog Rolls In

Parmi la scène bedroom toujours en pleine ébullition, on peinera bien à certifier quelles les sont figures marquantes du moment ayant réussi à s’approprier les influences allant Grizzly Bear à Deerhunter en les expurgeant de leurs relents psyché pour les adapter à leurs intérieurs intimistes. On découvre ainsi aujourd’hui Doombird, à l’occasion de leur troisième album pour le compte de Gold Standard Records. Avec un bel équilibre entre électro et organique, chant masculin haut perché et chœurs féminins soyeux, le quintette de Sacramento dont certains membres ont déjà été croisé avec Tycho (ce qui n’a rien d’étonnant avec cette ligne de basse) et The Album Leaf, livre une de ces comptines badines dont la mélodie fait mouche sans effet de manche.

06 – Yumi Zouma / Cross My Heart and Hope to Die

Dès les premières notes de son nouveau single annonçant (déjà) leur cinquième album, Yumi Zouma accroche les oreilles. En quelques minutes, du chant féminin à sa réplique masculine, des guitares carillonnantes à la grosse ligne de basse, on y entend à peu près toutes les influences du groupe fondé à Christchurch, Nouvelle-Zélande. Depuis le duo est devenu quatuor et chacun s’en est allé fureter, là, à New-York, ici, à Florence ou Paris. Le résultat de ce brassage ne manque pas de saveur et Cross My Heart and Hope to Die sonne comme une version de Broadcast boosté à la testostérone d’une production typiquement indie US.

07 – Hibou / Resolve To Burn

Si on a découvert un jour fortuitement Hibou, c’est parce qu’il s’agit du projet solo de Peter Michel qui fut le batteur de Craft Spells (l’une des meilleures trouvailles de Captured Tracks quand le label new-yorkais était l’Eldorado du renouveau noisy-pop des années 2010). Depuis on suit les pérégrinations du discret américain basé à Seattle, dont il s’agit du quatrième album, toujours avec le soutien de Barsuk (Death Cab For Cutie, Phantogram, …). Sans renoncer à chanter doucement au creux de l’oreille et d’ajouter de belles enluminures, l’Américain muscle (enfin ?) son jeu : moins dream pop, plus shoegaze.

08 – The Belair Lip Bombs / Hey You

Derrière ses airs de « girl next door », Maisie Everett, la chanteuse de The Belair Lip Bombs mène son groupe de pistoleros d’une main ferme. Elle, qui semble d’abord s’excuser quand elle confie ses émotions, harangue avec assurance avant de lâcher avec grâce « motherfucker » entre deux feulements. Derrière (oui, derrière, car la voix est bien mise en avant), ça envoie grave : les guitares tourbillonnent, glissant des piquées à la early-U2 sur une ligne rythmique « tatapoum » qui progresse puissamment. Comme souvent avec les Australiens, le groupe ne s’égare pas en posture vaine et la structure est d’une simplicité évidente. Courte intro, couplet, refrain, pont, couplet, refrain et montée instrumentale. Recette éculée mais efficace.

09 – Lathe of Heaven / Aurora

De prime abord, on pourrait taxer les protégés de Sacred Bones de forcer le trait. Et il ne serait pas faux que de considérer que leur premier album avait secoué la goth-sphere plus que de raison tant il s’avérait trop révérencieux et mal dégrossi. Mais il serait tout aussi injuste de circonscrire Lathe Of Heaven à un groupe arty new-yorkais recrachant ses influences sans les incarner. A l’heure de leur deuxième effort (Aurora), le groupe ouvre un peu son spectre stylistique, depuis ses racines post-punk jusqu’aux confins de la new-wave des 80’s voire la noisy-pop typées des 90’s. Passée l’introduction au chant contrariée, voilà donc un bel hommage à Echo & The Bunnymen.

10 – Death Bells & Sans Merit / Landslide

Les Américains s’éloignent de plus en plus du registre post-punk de leur début pour affirmer un improbable « baggy sound ». On ne sait pas encore si cela augure d’un virage à l’heure du quatrième album signé Death Bells, mais sur ce qui n’est encore qu’un single digital « one shot », la production est aérée, beaucoup plus sophistiquée, pour y laisser entendre, en contre-point du chant de gorge venu des bas-fonds de Los Angeles, le chant fantomatique de Sans Merit, une Australienne dont on ne sait rien. Le résultat est un séduisant mélange évoquant une capsule d’un épisode de Twin Peaks à l’Hacienda.

11 – Just Mustard / Pollyanna

Prenons un chant qui rappelle celui d’Alison Shaw de Cranes avec une production digne des premières réalisations de 4AD remastérisées par Daniel Avery et plongeons-le tout dans une casserole bouillante. Rajoutons-y une dose de post-punk sans mégoter sur les dissonances et sans écrêter les sonorités industrielles, et on obtient le nouveau single de Just Mustard. Leur troisième album, après le remarqué Heart Under déjà pour le compte de Partisan Records, est une caresse tout autant qu’une griffure.

12 – Four Tet / Into Dust (Still Falling) (Extended Mix)

On n’aurait pas imaginé voire apparaitre en 2025 au rayon nouveauté le vénérable Four Tet derrière les platines depuis plus de 25 ans (sans compter les années au sein de Fridge) avec un titre magnifiant un sample issu du chef d’œuvre de Mazzy Star datant de… 1993. Une fois cet anachronisme posé, on se rappelle quand même que Kieran Hebden avait déjà remixé, parmi des centaines d’autres artistes, le duo américain. En plongeant le chant de la fascinante Hope Sandoval, qui fait toujours courir un frisson au creux de la nuque, dans un bain électro, l’Anglais livre une composition imparable comme il n’en avait pas livré depuis trop longtemps. Et parce qu’au-delà des souvenirs que ces réminiscences 90’s éveillent, on aime bien l’effet machine à laver, profitons de ce « nouveau » single dans sa version longue !

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