On n’avait pas trop vu venir cet album des Saffron Eyes, encore jeune groupe de Saint-Etienne, dont ce disque, Smile Until It Hurts, est le deuxième album. Le premier nous avait échappé et il aurait été dommage de faire l’impasse sur celui-ci qui est probablement l’un des meilleurs disques de guitares pop de l’année, toutes origines confondues. La chanteuse que l’on connaissait jadis sur le nom de Raymonde Howard (oh bon sang, mais c’est bien sûr) est toujours aussi exceptionnelle, brillante, séduisante et, disons le, phénoménale. De son vrai nom Laetitia Fournier, jadis et peut-être toujours professeur de son état, c’est elle qui anime les Saffron Eyes et insuffle, par sa technique parfait et virevoltant, un petit supplément d’âme décisif à ce travail de composition très sérieux.
On peut prendre l’excellent All I Want (Is A Little Love From You) en exemple de ce que le groupe fait de mieux : une basse solide et bien agencée dans le mix, des guitares jangly ou smithiennes qui galopent autour et une voix qui assure le spectacle en grimpant et en descendant les émotions. La batterie est précise et jamais envahissante. On peut convoquer des tas de références pour « groupes de femmes » et essayer de décrire ce qui se passe ici mais celle qui nous vient aux oreilles pour décrire la vivacité qui se dégage du disque, la qualité des enchaînements et des compositions nous renvoie loin en arrière à l’éclosion d’Echobelly. On en avait fait des tonnes à l’époque sur Sonia Madan mais le groupe fonctionnait bien comme un duo avec un guitariste Glen Johansson pleinement associé aux compos et au projet.
On en tient autant pour Saffron Eyes qui, par delà l’excellence de sa chanteuse, s’appuie sur un travail collectif impressionnant, immédiatement et partout convaincant. On n’a pas cherché plus avant qui était qui (Cyril, Thomas, Cédric) mais les propositions mélodiques sont épatantes et le groupe aussi à l’aise quand il s’agit de sonner pop (Not the end), d’accélérer (Get Out of my head), de balader léger (Run the City), ou d’expérimenter (le final Love Is A Shed). Saffron Eyes épouse toutes les formes existantes du rock : sonique, gothique, voire un peu punk, mais aussi rock tradi et un peu blues. Toutes les tentatives sont brillantes et réussies à l’image d’une ouverture, Not the End, qui est l’un de nos morceaux préférés de l’année. On pense parfois aussi à La Luz pour l’impression de jouer haut et clair, l’entrain et la féminité à fleur de peau. Les textes parlent d’amours qui pourraient mieux se passer. C’est à la fois attendu mais exprimé de manière directe et suffisamment brute pour que cela ne sonne jamais déjà entendu ou mainstream.
On ne va pas être trop long (l’année se termine) mais on renverra à l’écoute super plaisante d’un disque pétillant, passionnant de bout en bout et qui n’a surtout rien à envier aux réalisations contemporaines du monde anglo-saxon. Stéphanois do it better ! Sur ce coup là, on ne nous avait pas menti.